Temps de lecture : 3 minutes.
Ce film a été découvert à la Semaine Internationale de la Critique au Festival de Cannes 2021. Petite immersion dans cette journée de festival par ici.
Anaïs doit finir une thèse littéraire sur laquelle elle n’arrive pas à se poser. À 30 ans, elle est énergique, virevoltante et n’arrête pas de courir. Alors qu’elle rencontre Daniel, un homme de l’âge de son père, elle découvre l’existence de sa femme Emilie. C’est le début d’une nouvelle passion pour elle.
Après son court-métrage très remarqué en 2018, Pauline asservie – lui aussi à la Semaine de la Critique -, la réalisatrice Charline Bourgeois-Tacquet revient avec son premier long-métrage directement inspiré de ce dernier : Les Amours d’Anaïs. Sous ce titre très rohmérien se révèle une belle leçon d’amour où spectateur.rice.s et protagonistes gravitent autour de la pétillante Anaïs – précédemment Pauline. Dès l’ouverture rythmée par un piano énergique, c’est la cavalcade de la jeune femme, dans la rue puis dans les couloirs de l’appartement, qui nous anime, nous éveille et nous plonge in media res dans l’intrigue.
Anaïs raconte sa vie à qui veut l’entendre, ou non. Anaïs fonce tête baissée lorsque l’envie lui prend de chambouler sa vie. Anaïs n’hésite pas à prendre les choses en main pour faire aboutir ses envies. Animée d’une énergie folle, Demoustier ne fait qu’un avec Anaïs. Si juste dans son jeu, elle nous fait croire avec énormément de ferveur à l’existence de cette jeune femme. Guidée par les heureux hasards et les provocations du destin, elle gravite à toute allure dans un quotidien intense dont elle est la maîtresse de ballet. Rien ne semble pouvoir l’arrêter. À ses côtés, les événements marquants prennent une teinte nouvelle car Anaïs sait ce qu’elle veut, tout comme les autres personnages autour d’elle.
Les Amours d’Anaïs réinvente le triangle amoureux avec une Anaïs passionnée, un Daniel pantouflard (Bruno Podalydès) et une Emilie passionnante (Valeria Bruni Tedeschi), avec pour fil conducteur l’assouvissement des désirs. Les relations vont et viennent, marquantes par leur intensité. Alors qu’à peine commencée, l’histoire semble déjà se conclure avec Daniel, c’est le temps de la séduction d’Emilie qui donne tout son sens à l’aventure. De même le sexe lesbien est magnifié par la caméra à grand renfort de gros plans sur leurs visages réjouis alors que les ébats avec Daniel manquent de consistance. La très belle correspondance amoureuse entre les deux femmes marque d’ailleurs par sa poésie. En perpétuelle évolution, elle passe de l’écrit à l’écran à la lettre manuscrite en passant par la réponse à voix haute.
La grande force du film se cache dans les dialogues, très littéraires, qui réussissent à émouvoir par leur inventivité et leur humour. Ils font corps avec Anaïs et sa thèse, dont on ne voit d’ailleurs jamais la fin – quand bien même elle la définit dans son statut d’éternelle étudiante. Quelques saynètes, particulièrement drôles et surprenantes, viennent éclairer ce quotidien survolté par des rencontres : un rendez-vous presque manqué avec la propriétaire interloquée, un couple de touristes coréens en Airbnb chez Anaïs, une consultation chez le vétérinaire pour un certain Gilbert lémurien de son état… Ces scènes à l’aura absurde donnent du charme au film et le font se démarquer d’une classique romance à la française.
Les Amours d’Anaïs fait le magnifique portrait d’une jeune femme spontanée et passionnée qui nous entraîne dans une atmosphère joyeuse que nous ne quittons qu’à regret. Anaïs n’est pas seulement originale et hédoniste, elle nous touche par la sincérité de ses émotions et de ses sentiments. La belle énergie de Pauline asservie est toujours là. Plus puissance, plus lumineuse.
Manon Koken
Les Amours d’Anaïs
Réalisé par Charline Bourgeois-Tacquet
Avec Anaïs Demoustier, Valeria Bruni Tedeschi, Denis Podalydès
Comédie, Romance, France, 2021, 1h38
Haut et Court
15 septembre 2021
Un avis sur « [CRITIQUE] Les Amours d’Anaïs »