[CRITIQUE] Sermons de Minuit

Temps de lecture : 5 minutes

Riley Flynn vient de passer quatre ans en prison après avoir tué une jeune fille dans un accident de la route, alors qu’il était fortement alcoolisé. Sans repères, il retourne vivre avec ses parents sur une petite île au large des États-Unis. Au même moment, un jeune prêtre s’installe sur l’île, et essaie d’apporter un souffle d’espoir à cette petite communauté qui dépérit. Mais ce jeune prêtre semble avoir apporté avec lui quelque chose de sombre et de dangereux. 

Difficile d’oublier qu’on approche d’Halloween avec tous les films et séries d’horreur qui sortent traditionnellement à cette époque de l’année. Netflix ne fait pas exception puisque la plateforme propose dans son catalogue, depuis le 24 septembre dernier, la nouvelle série de Mike Flanagan, Sermons de Minuit (Midnight Mass). Connu pour ses adaptations d’histoires d’horreur sur le petit ou le grand écran,  (The Haunting of Hill House adapté de Shirley Jackson, The Haunting of Bly Manor de Henry James, Doctor Sleep de Stephen King), Flanagan met en scène, pour la première, fois, une de ses créations. Et pour le paraphraser, c’est un tout autre exercice puisqu’avec cette nouvelle série, “il ne peut pas se cacher derrière Stephen King”. Pour sa première œuvre en tant qu’auteur, il se livre pleinement, abordant des thématiques qui l’ont accompagné une partie de sa vie, comme la religion, ou encore l’addiction.

L’histoire se déroule donc sur une petite île, Crockett Island, située au large des États-Unis. Sa population est composée en très grande partie de pêcheurs au quotidien difficile, et qui perdent chaque jour un peu plus l’espoir, au fur et à mesure que les habitants fuient ce lieu sans avenir, où le soleil ne semble jamais briller. Les jeunes partent sur le continent pour faire des études, trouver du travail et ceux et celles qui restent le font parce qu’iels n’ont pas le choix. C’est dans ce contexte morose que l’on découvre le personnage central de cette histoire, Riley Flynn (Zach Gilford), retournant vivre sur Crockett Island parce qu’il ne sait pas où aller, parce qu’il revit chaque jour cet accident, qu’il revoit sans cesse le visage de cette jeune femme, écrasée contre l’asphalte, morte. Il y fait la connaissance d’une autre personne fraîchement débarquée du continent, le Père Paul Hill (Hamish Linklate). Jeune, dynamique, et pour une raison inconnue de tous, ravi d’avoir été envoyé sur l’île, Paul souhaite redonner de l’espoir à la population de Crockett Island, et tient à leur rappeler que Dieu ne les a pas oubliés. Il explique qu’il a été envoyé ici en remplacement de l’ancien Père, John Pruitt, qui s’est senti mal alors qu’il accomplissait un pèlerinage dans un lieu Saint. Rapidement, on sent que quelque chose cloche avec ce personnage. Trop gentil, trop affable, souriant. Et puis, lors de sa scène d’introduction, il est filmé en train de traîner une lourde caisse, semblable à un cercueil, jusqu’à chez lui. Suspect.

La série propose une histoire résolument bancale par le biais d’une narration convenue et franchement ennuyeuse. Pour parler de ses défauts les plus flagrants, il faut commencer par évoquer l’écriture des personnages, très nombreux et tous aussi insipides les uns que les autres, à une exception notable, sur laquelle nous reviendrons plus tard. L’œuvre ne les développe pas assez pour les rendre intéressants ou attachants, et ne fait que leur attribuer quelques traits de caractères, une personnalité et une backstory type (la série emprunte notamment ce stéréotype du personnage de la maîtresse d’école blanche, que l’on retrouve dans beaucoup d’œuvres américaines), rendant alors impossible pour les spectateur.trice.s de s’identifier à eux. Comme la construction de la série se rapproche de celle du huis clos, les personnages évoluant exclusivement au sein de cette toute petite île, le public ne pourra même pas espérer un peu de fraîcheur en découvrant de nouveaux décors puisque tout ce qui est proposé sont ces paysages d’île venteuse et pluvieuse. Logiquement, au vu du peu de soin apporté à l’écriture des protagonistes et antagonistes, leurs interactions et les dialogues sont fades et conventionnels, jusqu’au piano ou aux violons en fond musical pour accompagner des paroles tristes et cette larme qui coule le long d’une joue. Difficile même de se raccrocher au casting, qui est souvent assez peu convaincant, même s’il faut bien admettre que même le meilleur des acteurs ou la meilleure des actrices aura du mal à tirer quelque chose d’un personnage sans substance. Plus les épisodes passent, plus on rentre dans une routine de dialogue et de monologue sans fin, sur un fond gris et désolé d’une île où il ne se passe pas grand-chose. 

Alors oui, des fois, pour casser la monotonie, il y a un plan qui fait un peu peur. Un personnage sort du champ de la caméra et les spectateur.trice.s découvrent avec iel un visage effrayant qui regarde ce qui se passe à l’intérieur d’une maison. Le personnage observé se précipite alors pour voir qui rôde dehors, et bien sûr, l’étrange voyeur a disparu. Et voilà ce à quoi nous aurons droit pendant une grande partie des épisodes pour espérer ressentir un semblant de peur, ou au moins une sensation de vague inconfort. Mais la plupart du temps, tout ce que les spectateur.trice.s auront à se mettre sous la dent en termes d’horreur sera la lenteur, le manque d’action et ce ciel gris, si gris …

La seule chose à sauver est la prestation de Hamish Linklater, l’interprète du Père Paul. C’est le seul à avoir des monologues, des dialogues, des interactions intéressantes, le seul à avoir un tant soit peu de substance, à être juste dans son interprétation et donner l’impression qu’il se donne à 100% dans ce rôle. Il est parfait de bout en bout, sait en être rassurant quand il le faut, ou inquiétant et mystérieux. Et c’est dommage qu’il soit aussi solitaire dans la réussite, parce que la série a l’ambition d’aborder des thèmes faisant écho à des thématiques de la pensée religieuse, comme le pardon, la mort, la rédemption, l’amour de son prochain, des sujets très forts d’acceptation de soi, des autres, des erreurs de chacun. Il y a une réelle ambition d’évoquer des sujets presque philosophiques, et de nous faire réfléchir mais il est tellement dommage qu’un seul des acteurs soit capable de délivrer une performance à la hauteur des sujets abordés. Car c’est bien uniquement lui qui réussit à nous porter jusqu’au bout des sept épisodes. Les meilleurs moments sont ceux où Paul est à l’écran pour délivrer avec passion ses sermons.

Pour sa première œuvre en tant qu’auteur, Mike Flanagan n’aura pas réussi à nous saisir, à cause d’une construction trop bancale et d’une histoire qui s’écroulerait complètement si elle n’était pas portée à bout de bras par un seul acteur. Flanagan travaille actuellement sur une adaptation d’une partie de l’œuvre de Edgar Allan Poe et on ne peut qu’espérer qu’il renouera avec la réussite avec ce nouveau projet.

Angie Lauprêtre

Sermons de Minuit
Netflix
Réalisée par Mike Flanagan
Avec Kate Siegel, Zach Gilford, Hamish Linklater
Série d’horreur, Production canado-américaine, 2021, 7 épisodes
24 septembre 2021

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

Un avis sur « [CRITIQUE] Sermons de Minuit »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :