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Ce film a été découvert au Festival de Cannes 2021. Petite immersion dans cette journée de festival par ici.
Bienvenue au sein de la rédaction du dernier numéro du magazine américain The French Dispatch publié dans la surprenante et très française ville d’Ennui-sur-Blasé !
Le Wes Anderson nouveau est arrivé ! Intégrant fièrement la Compétition en Sélection Officielle, il ne pouvait pas rêver mieux qu’une première mondiale cannoise pour faire découvrir ses étonnants personnages et le merveilleux village français d’Ennui-sur-Blasé, où décidément on s’ennuie bien peu.
Adoptant la structure sur papier glacé du magazine éponyme, The French Dispatch n’a pas laissé l’originalité aux States. Tout en revenant sur les origines de sa création et de son propriétaire incarné par Bill Murray (évidemment), nous feuilletons la revue au gré des rubriques et au rythme des corrections et relectures des différents journalistes. Chaque article (fleuve, pour la plupart) donne lieu à une longue saynète mêlant contenu écrit et interventions des créateurs (les journalistes incarnés par Owen Wilson, Tilda Swinton, Frances McDormand… tous trois en pleine forme). Ce merveilleux terrain de jeu permet à Anderson de s’amuser avec la typographie, les cartons et évidemment les décors – splendides comme toujours. Tout est soigneusement millimétré. Le rythme est intense et les split screens au rendez-vous ! Quand il s’agit de mise en scène – toujours très graphique -, Wes Anderson est maître en la maison et son inventivité s’exprime une nouvelle fois dans la salle.
Embarquons alors dans ce voyage en une introduction, trois articles et un épilogue, la voix familière de nos journalistes en fil conducteur de l’histoire, mettant tour à tour en scène une visite touristique, une présentation d’exposition, un reportage sur le terrain… Ce sont nos guides sur les routes de Blasé. Tilda Swinton nous emmène à la rencontre d’un peintre de génie légèrement colérique (il a fini par atterrir à l’asile pour meurtre), incarné par Benicio del Toro, en pleine préparation d’une exposition pour le mécène Adrian Brody. En second lieu, nous nous rendons auprès d’adolescents révoltés et idéalistes arborant la bannière “Les enfants sont grognons.” Ici, c’est la rébellion contre l’ordre établi et cela se manifeste par une guerre entre jeunes et adultes à travers une superbe partie d’échecs – qui n’empêche pas certains de missionner les CRS. Le noir et blanc est très beau. Timothée Chalamet est hilarant en présomptueux intellectuel à la fine moustache, maniant anglais et français à la perfection. Pour finir, l’enquête policière était obligatoire pour mettre en scène cette France imaginaire. Le fils du commissaire incarné par Mathieu Amalric est enlevé ! Comment faire pour le récupérer ? Pourquoi ne pas envoyer le célèbre cuisinier Nescoffier ?
Les personnages sont comme toujours hauts en couleurs, originaux et très intéressants. Par ailleurs, Anderson s’applique à mettre en valeur le patrimoine culturel à travers la peinture, le théâtre et la bande-dessinée. L’histoire du journal s’entrecroise avec le récit des différents articles écrits par les journalistes pour le dernier numéro de The French Dispatch. Jonglant entre passé et présent, le film nous déracine tout en jouant du familier (les jeunes révoltés sont clairement des soixante-huitards et Ennui-sur-Blasé ressemble sacrément à Paris). Les clichés sur la France sont très drôles et appréciables, les dialogues ont toujours le mot juste et l’humour est bien présent.
Comme nous le savions depuis un sacré bout de temps – les annonces sur le film font frétiller les fans depuis des années -, The French Dispatch c’est avant tout un casting aux petits oignons. La fine équipe du journal, entre “celui qui ne publie jamais” et “le champion du nombre de mots par minute”, est composée d’un nombre incalculable d’actrices et acteurs de renom dont la réputation n’est plus à faire : Bill Murray, Owen Wilson, Elisabeth Moss, Timothée Chalamet, Frances McDormand, Tilda Swinton, Willem Dafoe, Saoirse Ronan, Adrien Brody, Mathieu Amalric… Des habitués et de nouvelles têtes dans la collection du réalisateur américain. De brève apparition à rôle plus conséquent, ils apportent tous leur pierre à l’édifice. Léa Seydoux est d’ailleurs hilarante en gardienne de prison imperturbable et muse – même les plus sceptiques devraient apprécier.
Suite à cette longue tirade enjouée, tout semble parfait – et visuellement ça l’est. Pourtant, le récit manque un peu d’âme. Nous avons presque honte de le dire tout haut tant la mise en scène est magnifique. La faute peut-être à une troisième partie un peu plus poussive qui, malgré une belle inventivité, traîne en longueur et souffre sûrement de la réussite des deux précédentes. Visuellement sublime, The French Dispatch est un classique Wes Anderson – peut-on vraiment le dire ? – qui manque un peu d’émotion. Il prend sa place bien méritée aux côtés de ses grands frères mais ne marquera peut-être pas autant les esprits que La famille Tenenbaum (2001) ou La Vie aquatique (2003).
Manon Koken
The French Dispatch
Réalisé par Wes Anderson
Avec Owen Wilson, Elisabeth Moss, Timothée Chalamet
Comédie, Drame, Romance, Etats-Unis, Allemagne, 2021, 1h43
27 octobre 2021
The Walt Disney Company
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