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Paris 13e, quartier des Olympiades. Emilie rencontre Camille, Nora rencontre Amber, Camille rencontre Nora… Tantôt ami.e.s, tantôt amants, leurs liens se font et se défont au fil du temps et des événements.
Sur les conseils de la réalisatrice Rebecca Zlotowski (Une fille facile, 2019 ; Grand Central, 2013), Jacques Audiard lit les romans graphiques de l’auteur américain Adrian Tomine : Amber Sweet, Killing and dying et Hawaiian getaway. De cette découverte naît Les Olympiades, son nouveau long-métrage, maturé pendant cette année de confinement sous la plume du beau trio formé par le cinéaste, Céline Sciamma (Petite Maman, 2021 ; Portrait de la jeune fille en feu, 2019) et Léa Mysius (Ava, 2017), se prêtant tour à tour au jeu de l’adaptation.
Dès l’ouverture, Les Olympiades nous scotche. Le travelling avant en plongée survole le quartier des Olympiades, sublimé par la musique puissante de Rone qui signe la bande-son. Cette dalle étonnante est le témoin d’un quartier en développement rapide et constant qui dénote face à la muséalité de Paris et de ses bâtiments haussmanniens. Audiard choisit cet arrondissement qui lui est si familier — il y a longtemps vécu — pour être le théâtre de son marivaudage. Pour lui, le 13e arrondissement représente la mixité sociale, le lieu de rencontre entre des gens de tous les horizons, un quartier qui bouge. Ici, il cherche à prendre la température d’une jeunesse diplômée en galère. Au lieu de s’intéresser aux déclassés comme c’est si souvent le cas, il se tourne vers une classe moyenne jeune et cultivée et met en valeur sa combativité malgré les difficultés du quotidien.
Nous apprécions de redécouvrir le 13e dans un magnifique noir et blanc. Ce pentagone des Olympiades, c’est la fac de Tolbiac, les restaurants et supermarchés asiatiques, les bureaux et HLM… Il est intéressant d’imaginer comment ce lieu si familier à nos yeux sera une découverte totale et étrange pour nombre de spectateurs habitués des immeubles anciens du centre de Paris. Audiard capte et capture les moments de vie de quatre personnages qui se croisent et se recroisent, à la fois intimes et très éloignés. C’est d’ailleurs là qu’est la force de ce récit : la grande crédibilité de ces êtres en pleine construction, tantôt dans la fuite tantôt dans la détermination. La relation entre Nora, jeune bordelaise tout juste arrivée à Paris, et Amber Sweet, une camgirl renommée, est particulièrement intéressante. Entièrement nouée à travers un écran — qui se prend pour un miroir —, celui sur lequel Amber fait ses prestations porno, cette véritable relation permet à l’artificialité et au jeu de disparaître peu à peu.
Tourné pendant ces derniers mois de confinement (en 6 semaines – avec 3 mois de préparation), Les Olympiades s’ancre dans notre actualité – numérique, harcèlement scolaire, applications de rencontre et difficultés professionnelles — et nous montre des jeunes qui, au milieu d’histoires d’un soir, recherchent finalement un alter ego, malgré la déclaration initiale de Camille : « Moi j’ai pas envie d’être ensemble avec qui que ce soit. Je compense ma frustration professionnelle par une activité sexuelle intense. »
Face à ce sujet social, mais pas réellement politique, la crainte d’un manque de profondeur et d’une narration essoufflée se fait rapidement sentir. Pourtant, il n’en est rien. Le récit rebat en permanence les cartes des relations, s’amusant des croisements entre personnages. Ce jeu nous enchante et les protagonistes nous fascinent et nous émeuvent par leur sincérité et leurs imperfections. À ce récit réaliste et intime, s’ajoutent des dialogues drôles et fins qui font corps avec le noir et blanc sublimant la dalle, mais aussi les scènes de sexe. Comme le déclarait il y a quelques jours Jenny Beth, qui incarne Amber Sweet, « c’est un film qui donne envie de faire l’amour ». Qui approuve ?
Manon Koken
Les Olympiades
Réalisé par Jacques Audiard
Avec Lucie Zhang, Makita Samba, Noémie Merlant
Drame, Romance, France, 2021, 1h45
Memento Distribution
3 novembre 2021