[CRITIQUE] Haut et fort

Temps de lecture : 2 minutes.

Anas arrive dans le quartier de Sidi Moumen à Casablanca. Il doit donner des cours de rap dans un centre culturel. Dans ce quartier populaire, les jeunes gens viennent s’exprimer et parler de leur vie d’une autre manière.

Après Razzia (2017), Much Loved (2015) — présenté à la Quinzaine des Réalisateurs — ou encore Les Chevaux de Dieu (2012) — sélectionné à Un Certain regard —, le cinéaste franco-marocain Nabil Ayouch revient avec Haut et fort (Casablanca Beats), une histoire puissante sur la jeunesse de son pays. En ancrant son récit dans le quartier populaire de Sidi Moumen — tristement connu pour être le lieu où ont vécu onze auteurs des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca —, le réalisateur souhaite montrer une jeunesse délaissée. Quand Anas, le futur professeur, arrive dans cet arrondissement de Casablanca, le changement est radical. Routes de terre et bidonvilles, les gens ignorent même l’existence du centre culturel où il doit enseigner. 

Cinéaste engagé, Nabil Ayouch a créé la fondation Ali Zaoua — titre de son premier film — pour ouvrir des centres culturels. Il souhaite que ces espaces donnent à la jeunesse un lieu pour s’exprimer et apprendre à écrire sur leur vie. Celui de Sidi Moumen, où a été tourné Haut et Fort, fut le premier. Ouvert en 2014, ce centre a permis à de nombreux adolescent.e.s de se former à l’art de la danse et de la musique et à travers ces enseignements, c’est également leur donner le droit de s’exprimer dans une société qui ne les écoute pas. Pour Haut et fort, le réalisateur a passé un an à observer Anas, jeune professeur, arrivé quelque temps auparavant pour créer The Positive School of Hip Hop. Ancien rappeur, il joue son propre rôle dans le film. Véritable révélation, ce jeune homme, qui peut se montrer dur, désire plus que tout que les adolescent.e.s qui viennent dans son cours puissent réfléchir par eux-mêmes. Nabil Ayouch a fait appel pour le long-métrage à de jeunes gens du centre avec qui il a construit leurs personnages. Purement fictionnels, les protagonistes n’en restent pas moins inspirés de la vie des étudiants. Les situations respectent les singularités de chacun.e, ce qui les rend aussi crédibles et justes. Le centre devient non seulement un refuge, mais un lieu de mixité sociale et culturelle. De plus, le cinéaste prend le temps d’apprendre à les connaître pour respecter leur message, le tournage ayant duré plus d’un an, de novembre 2017 à février 2019. 

Grâce à la comédie musicale, les héros et héroïnes du film expriment leurs désaccords et leurs envies de liberté. À travers la musique, les paroles ont une importance toute particulière, car elles transmettent un message puissant et fort. Après s’être exprimé.e.s au centre et dans une cabine d’enregistrement, elles et ils s’emparent de la rue. Elle se rebelle contre un frère envahissant qui pense avoir les droits sur elle, lui exprime ses craintes face à ses frères qui parlent du Coran sans l’avoir vraiment lu… La parole se libère. C’est une parole politique, sociale, religieuse qui se fait entendre haute et forte. Les jeunes femmes parlent de l’oppression qu’elles subissent au quotidien, du besoin de changer la façon de les regarder. Elles et ils parlent de la place de la religion dans leur vie. Et ce besoin de s’exprimer est vital pour ne pas sombrer dans la violence, mais surtout dans une vie sans goût. C’est le but de The Positive School of Hip Hop

Coécrit avec son épouse Maryam Touzani — également réalisatrice du très beau Adam (2019), sélectionné à Un Certain Regard —, Haut et fort reçoit le Prix du Cinéma Positif cette année au Festival de Cannes. Vibrant, touchant et plein de justesse, le long-métrage est un appel à la tolérance. À travers les portraits des jeunes gens qu’il filme, le cinéaste montre un Maroc multiple. C’est cette différence qu’il faut célébrer chaque jour. Avec beauté, Haut et fort le fait.



Marine Moutot

Haut et fort
Réalisé par Nabil Ayouch
Avec Anas Basbousi, Ismail Adouab, Meriem Nekkach
Drame, Musical, France, Maroc, 2021, 1h42
17 novembre 2021
Ad Vitam

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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