[CRITIQUE] Amants

Temps de lecture : 3 minutes.

Simon et Lisa sont ensemble depuis des années. Ils ne vivent pas une vie stable et sereine car Simon occupe ses journées en étant dealer de drogue et Lisa est encore en apprentissage dans l’hôtellerie. Un jour, un client de Simon fait une overdose. Paniqués, les deux protagonistes n’essaient pas de le sauver mais prennent la décision de fuir le pays. Simon abandonne Lisa et part vivre une autre vie à l’étranger. Leurs chemins se croisent quelques années plus tard mais la situation de Lisa a bien changé depuis leur séparation… Elle est désormais mariée à Léo, qui a fait fortune dans les assurances.

Nicole Garcia (Un balcon sur la mer, 2010 ; Mal de pierres, 2016) a pris un pari risqué : faire un film d’amour sans amour. Ce film traite d’un triptyque vu et revu : le mari, la femme et l’amant. On pourrait donc penser que le moteur principal de l’histoire est l’amour, mais pas du tout. Simon (Pierre Niney) désire Lisa, Léonard (Benoît Magimel) la possède. Quant à Lisa (Stacy Martin), son personnage est imperceptible. Tout est une question de possession, d’argent, de rang mais pas d’amour. C’est sûrement la raison principale pour laquelle l’atmosphère du film n’est pas chaleureuse. Tout est froid, comme figé sur papier glacé. La palette chromatique est resserrée autour de nuances de gris, blanc, noir… Même lorsque l’intrigue se déroule dans des décors supposés être plus accueillants comme l’Île Maurice, on ne ressent aucune chaleur. Ce traitement de l’image accentue les sujets de fond du film qui sont la tristesse et la solitude.

Et la chaleur que l’on cherche dans les décors ne viendra pas des personnages. Ils semblent tous les trois affublés d’une croix à porter, d’une certaine fatalité qui les suit partout où ils vont. De plus, aucune personnalité n’est attachante. Nicole Garcia met en scène des personnages antipathiques. Si bien que le spectateur n’a rien ni personne à qui s’accrocher. Une ambiance glaciale, des rôles irritants, peu de musique et une mise en scène dépouillée… Pourtant, nous avons quand même envie de connaître le dénouement de ce triangle amoureux (pas vraiment amoureux). Là encore, l’intrigue ne nous emmène pas bien loin car à chaque fois qu’un rebondissement est sur le point d’arriver, le soufflé retombe très rapidement.  Par exemple, lorsque la tension monte et qu’on s’attend à une scène de confrontation explosive, notre trio se retrouve à échanger des banalités sur un ton cordial. Le film présente beaucoup de facilités et de faux espoirs en termes de complexités scénaristiques. En somme, une superficialité dans le fond et la forme. Décors simples, histoire simple et les répliques sont tout aussi rudimentaires. 

Les dialogues sont épurés et même si les mots sont choisis avec soin (car Nicole Garcia n’autorise pas l’improvisation sur ses plateaux), nous sommes sur une vraie économie des mots. En particulier chez le personnage de Lisa. Le point de vue du film adopté est le sien. L’ennui, c’est qu’on ne connaît pas ses motivations. Elle ne les connaît pas elle-même. Elle vit toujours sa vie pour quelqu’un d’autre. Même lorsqu’elle est seule à l’écran, elle agit pour ou avec un autre protagoniste : elle est au téléphone, elle rejoint quelqu’un, elle attend Simon ou Léo… Et pourtant, elle est incroyablement seule. Cet état est bien représenté par le choix du cadre et la manière dont Stacy Martin (Le Redoutable, Michel Hazanavicius, 2017 ; Nymphomaniac de Lars von Trier, 2014) est filmée. Tout en retenue et fragile, Lisa est flegmatique, elle semble flotter au-dessus de la situation alors qu’elle en est le personnage principal. Son amant, Simon, joué par Pierre Niney (Yves Saint-Laurent, Jalil Lespert, 2014 ; Frantz, François Ozon, 2016) est plus ancré dans la réalité mais il est tout aussi emprunt à la mélancolie. Quant à Léo, interprété par Benoît Magimel, il ne diffère pas beaucoup de ses deux compères : il est froid, manipulateur et une véritable violence émane de lui sans qu’il ait besoin de la matérialiser dans ses gestes.

La solitude, la dépendance et la peur sont les maîtres mots de l’intrigue d’Amants. La peur est le sentiment qui lie ces trois personnages. Ils n’ont pas peur de la même chose et ne la manifestent pas tous de la même manière mais elle est bien présente. Cet enjeu est bien démontré. Peut-être un peu trop et l’ atmosphère pesante  étouffe parfois le spectateur qui, même dans les instants de silence, ne peut pas reprendre son souffle même si le film comporte tout de même quelques longueurs. Cependant, mis à part le sujet traité, la réalisation permet au film d’être intemporel si bien qu’il est parfois difficile de l’inscrire dans une époque, on est alors comme dans une bulle où seuls ces trois personnages existent.  

Déborah Mattana

Amants
Réalisé par Nicole Garcia
Avec Pierre Niney, Stacy Martin, Benoît Magimel
Drame, France, 2021, 1h42
Les Films Pelléas 
En salles depuis le 17 novembre

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

Un avis sur « [CRITIQUE] Amants »

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

%d blogueurs aiment cette page :