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Ida et sa sœur autiste, Anna, arrivent dans un nouvel appartement avec leurs parents. Ida fait la connaissance de Benjamin, un garçon solitaire. De son côté, Anna se rapproche de Aïcha, la seule qui la comprenne. Ensemble, elles et il explorent d’étranges pouvoirs qui commencent à se manifester.
Le film norvégien d’Eskil Vogt s’ouvre sur le visage d’une petite fille endormie. Elle semble paisible et nous renvoie à l’innocence du titre. Pourtant, rapidement, Ida commence à mettre en pratique les pensées les plus violentes, les plus sombres de son être. Elle pince sa sœur autiste, Anna, qui n’exprime rien quand on lui fait mal, elle écrase un vers de terre pour l’enfoncer sous l’eau… Perturbée par le déménagement et cette arrivée estivale alors que les autres enfants sont en vacances, sa rencontre avec Benjamin dans le quartier semble salvatrice. Pourtant, elle met encore plus en exergue la perversion que les enfants explorent. Avec lui, elle s’amuse avec un pauvre chat, mais découvre également de nouveaux pouvoirs. Cet aspect surréel que le récit instaure de manière très ténue est intéressant. Si le film commence en apparence comme un drame, il s’agit bien d’un film de genre. Les images magnifiques viennent d’ailleurs rapidement appuyer le fantastique de la découverte de pouvoirs chez les quatre protagonistes, tout comme l’utilisation importante d’une musique sourde qui ajoute une tension nécessaire aux échanges entre enfants.
La violence, d’abord présente par de petits gestes d’Ida envers Anna (pincements, bouts de verre dans sa chaussure), est synonyme d’une jalousie enfantine face à celle qui monopolise l’attention des parents. Bientôt cela devient une violence viscérale. Benjamin, qui se sent sans doute rejeté et maltraité — mais le cinéaste a l’intelligence de ne pas faire de psychologie de comptoir —, va, avec la découverte de ses pouvoirs télékinétiques, aussi pervertir son environnement. La souffrance, la mort et la vengeance font partie de son quotidien. Ida assiste à la métamorphose de son ami et se questionne. Chaque protagoniste représente, à travers des traits marqués, une figure assez classique du genre : Anna est celle aux potentielles cachées, l’incomprise, Aïcha est la bonté et l’empathie, et Benjamin, la perversion. De son côté, Ida est celle qui grandit, qui atteint une maturité à travers les expériences de la vie. C’est celle qui aura le plus évolué depuis le début du film. Eskil Vogt montre un monde sans pitié, celui des enfants qui se trouvent bien souvent sans défense les uns contre les autres et font face à l’incompréhension des adultes. Le clivage entre les deux mondes se renforce quand Benjamin prend possession d’adultes pour tuer des enfants.
Le long-métrage tire un peu en longueur dans la dernière partie, ne trouvant pas de porte de sortie ou de solution simple pour conclure. The Innocents surprend pourtant en permanence, réussissant à passer sans crier gare de la simplicité de la vie à l’horreur de la mort et de la souffrance. Gore, parfois difficilement soutenable, le film montre que les innocents du titre ne le sont pas tant que cela.
Marine Moutot
The Innocents
Réalisé par Eskil Vogt
Avec Rakel Lenora Fløttum, Alva Brynsmo Ramstad, Sam Ashraf
Thriller, Fantastique, Norvège, Suède, 2021, 1h57
Kinovista
9 février 2022