[CRITIQUE] Evolution

Temps de lecture : 2 minutes

Ce film a été découvert au Festival de Cannes 2021 au sein de la Sélection Officielle – Cannes Première.

Eva, Léna, Jonas. Trois individus, trois générations, trois époques liés par l’Holocauste.

Déjà reconnu pour ses précédents longs-métrages (White God, La Lune de Jupiter, Pieces of a woman) et présentant un film atypique, Kornél Mundruczó n’était pas attendu en Compétition Officielle mais à Cannes Première, nouvelle sélection présentée cette année, rassemblant notamment Vortex de Gaspar Noé, Serre-moi fort de Mathieu Amalric et Cow d’Andrea Arnold. 

Evolution fait corps avec son titre. Il nous plonge in media res dans un récit familial regroupant trois générations dans trois saynètes réunies par le plan-séquence, la durée et l’Holocauste. À peine les lumières éteintes, la découverte est violente et mystérieuse. Première partie : Eva. Des hommes nettoient avec empressement et fébrilité les sols et murs d’une cellule. Aux crevasses qui parcourent la pièce et aux quelques tuyaux fixés aux murs sales et décrépis, l’évidence se fait : nous sommes dans une chambre à gaz. Sous l’éclairage jaunâtre et artificielle, la caméra tournoie dans une cadence infernale à mesure que les mouvements des hommes se font plus rapides et plus désordonnés. Le frottement répétitif des balais sur le sol se fait pressant et même oppressant. Le cadre serré du 4/3 semble se réduire, nous enfermant dans ce ballet macabre. Que veulent-ils effacer avec autant d’empressement ? Peu à peu, toujours dans leur silence renfrogné, les hommes perdent pied et la peur les gagne. La scène vire à l’horreur lorsqu’ils découvrent des cheveux dans chaque recoin de la pièce. D’abord une mèche, puis deux, puis… L’inattendu surgit. 

En quittant les camps, nous arrivons dans l’appartement d’une vieille femme, Eva, prénom évocateur de la première saynète. À travers sa parole se crée le témoignage d’une femme née à Auschwitz et ayant grandi avec ce poids de l’Holocauste que lui reproche également sa file, Léna. Cette dernière ne peut prouver qu’elle est juive car sa mère refuse de lui donner le document qui en atteste, la privant d’aides nécessaires et de ses origines. Dans cet étrange huis clos en appartement, le ballet reprend, moins violent physiquement, mais plus dur dans les mots. En filigrane, c’est la déliquescence de l’humain et la disparition de la mémoire que met en avant cette seconde partie, Léna.

L’alarme incendie de l’école retentit. Cette fois-ci, la caméra atteint enfin l’extérieur. C’est une balade en apparence plus innocente que nous propose Jonas : une rencontre avec Yasmin, une promenade dans Berlin, deux amoureux en fuite… et une nouvelle pierre à l’édifice familial. Jonas est le fils de Léna. Mystérieusement harcelé par ses camarades, il se caractérise immédiatement par sa différence. Le lien avec la Shoah est ici plus diffus mais, une fois les premiers instants passés, il prend tout son sens. Entre désir de liberté et poids des origines, c’est la fuite qui anime Jonas. Le film réfléchit ici à l’héritage et l’influence de celui-ci sur les jeunes générations. 

Evolution fait se rencontrer petite et grande Histoire à travers l’immersion au cœur d’une famille à différentes périodes, au croisement des générations. Cette simple observation, magnifiquement mise en valeur par le plan séquence, permet une découverte de l’intérieur vers l’extérieur et du passé au présent, réfléchissant l’héritage de l’Holocauste, toujours présent aujourd’hui.

Manon Koken

Evolution
Réalisé par Kornél Mundruczó
Avec Lili Monori, Annamária Láng, Goya Rego
Drame, Hongrie, Allemagne, 2021, 1h35
Dulac Distribution
18 mai 2022

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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