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Du 17 au 28 mai 2022 se tient la 75e édition du Festival de Cannes.
Créé en 1939, avec une première édition en 1946, le Festival de Cannes est, avec la Berlinale et la Mostra de Venise, l’un des festivals internationaux les plus importants du cinéma. Chaque année, il se tient sur la Croisette, au bord de la plage, dans la ville de Cannes. Plusieurs sélections viennent compléter la Sélection Officielle (Compétition, Hors Compétition, Un Certain Regard, Cannes Classic, Cannes Première et pour la première fois une sélection de six œuvres autours de l’environnement). Ces programmations parallèles (Quinzaine des Réalisateurs, Semaine de la Critique, ACID), dont chacun a ses particularités, montrent des longs et courts-métrages originaux et novateurs.
Le festival revient cette année en mai, après une édition sous le soleil de juillet en 2021. Il y aura des stars, des découvertes, de la plage et des films. Retrouvez-nous tous les jours du dimanche 22 au samedi 28 mai pour suivre nos aventures cannoises.
Vendredi 27 mai au Festival de Cannes
Réveil difficile pour aller découvrir Broker de Hirokazu Kore-eda à 8 h 30 dans le Grand Théâtre Lumière. Le film a reçu samedi soir dernier le prix d’interprétation masculine, amplement mérité pour cette histoire de famille recomposée. Puis on enchaîne directement avec Closer de Lukas Dhont, Grand prix du Jury, autour d’une histoire d’amitié entre deux jeunes garçons. Petit temps de pause, avant de découvrir à 15 h 15 le nouveau film de Kelly Reichardt, Showing Up. Je ne pourrais pas vous en parler beaucoup n’en ayant vu que 20 min sur les 1h48. Nous suivons dans une certaine lenteur habituelle à la cinéaste – qui fait sa marque de fabrique- , la semaine chaotique d’une artiste dont l’exposition commence bientôt. On termine cette journée par le film d’horreur d’Alex Garland (Ex-machina, Annihilation), Men sélectionné à la Quinzaine des Réalisateurs qui sort en salle le 8 juin prochain.
Les Bonnes étoiles (Broker) – Hirokazu Kore-eda, 2022 – Sélection officielle : Compétition
So-young abandonne son enfant dans une Baby box à l’Église de Busan. Elle ne sait pas que le bébé va être récupéré par deux hommes qui veulent le vendre, ni que l’église est placée sous surveillance de deux policières.
Le cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda tourne en Corée du Sud pour raconter une histoire insolite et touchante. Après avoir reçu la Palme d’Or en 2018 pour Une histoire de famille, le voici de nouveau en Compétition au Festival de Cannes. Song Kang-Ho, un des plus grands acteurs de sa génération (Memories of Murder, 2003, Le Bon, la brute et le cinglé, 2008, Parasite, 2019) a reçu le Prix d’interprétation masculine pour son rôle de trafiquant d’enfant. Doux, avec des personnages bienveillants, Les Bonnes étoiles (Broker) aborde sous ses airs gentils des sujets féministes qui travaillent la société. En effet, les protagonistes s’expriment sans détour autour de l’avortement, l’adoption, l’abandon et les maltraitances faites aux enfants.
Le réalisateur fait attention de n’être jamais manichéen dans les propos formulés par ses personnages et surtout de ne pas laisser les paroles féministes aux seules femmes. Au contraire, le bébé abandonné au début du film va surtout être entre les mains d’hommes qui vont le choyer, l’aimer et lui chercher une famille à sa juste valeur. Pendant le premier échange marchant où les futurs parents critiquent ouvertement la tête de l’enfant, la mère, qui semblait n’être intéressée que par l’argent, va le défendre et insulter le couple. Le bien-être de petit garçon passe avant tout. La douceur des gestes à son égard, la manière dont le cinéaste le filme à distance, comme pour ne jamais le brusquer, le met au centre du récit avec pertinence. Les femmes et les hommes sont autour de lui, touchés par le simple fait qu’il soit là. Quand le récit aborde la question de l’abandon des enfants, la multitude de points de vue renforce encore plus le propos, montrant que cette question n’est jamais facile : que ce soit la policière (interprétée par Doona Bae) qui trouve inhumain l’abandon et trouverait plus juste que les femmes qui ne souhaitent pas garder l’enfant avortent, l’homme (Dong-won Gang) qui a été lui-même mis en orphelinat quand il était tout petit ou la mère recherchée par la police qui ne peut pas le garder (Ji-eun Lee). Et si l’œuvre semble pointer du doigt les femmes dans les abandons, le propos évolue pour être plus nuancé et à la fin n’accuser personne, si ce n’est la société.
Très solaire, Les Bonnes étoiles peut sembler par moment un peu facile, Kore-eda ayant su être plus fort et poignant dans ses précédents longs-métrages. Pourtant ici aussi la violence est partout et contre tout le monde.
Close – Lukas Dhont, 2022 – Sélection officielle : Compétition
Léo et Rémi, 13 ans, sont meilleurs amis, presque comme des frères. Cette relation fusionnelle va être mis à mal à leur arrivée au collège.
Grand Prix du jury au Festival de Cannes cette année, le nouveau film du cinéaste belge, Close raconte avec douceur et beauté une histoire d’amitié entre deux jeunes garçons : Léo, interprété par Eden Dambrine et Rémi joué par Gustave De Waele. Ces deux révélations magnifient ce film déjà très lumineux. Après un premier long-métrage réussi, Girl où il abordait la question de la transidentité, Lukas Dhont parle de l’amitié et la naissance de l’amour entre deux garçons sans mettre de mots dessus, laissant la société et l’école plaquer des idées reçues. La violence du harcèlement scolaire, de fortes contraintes sociétales rendent cette relation impossible pour l’un des deux qui va se séparer, un peu malgré lui, de son ami.
En restant proche de son personnage principal, Léo, le film navigue au gré de ses sentiments, états d’âmes et évolutions à la recherche de sa place. Contrairement à Rémi qui accepte plus facilement la place que la société veut lui donner : être en « couple » avec une personne de même sexe, Léo va tout faire pour s’en défaire, jusqu’à rejeter cette amitié si belle. Ensemble, ils inventent tout, acceptant l’univers de l’autre avec facilité. Ensemble, ils peuvent tout vivre : des batailles contre des ennemis invisibles jusqu’à braver la peur d’un concert. Autour d’eux, leurs familles les soutiennent et les aiment, ne remettant jamais en question cette relation, ne posant pas de questions, ne leur mettant aucune pression. Le cinéaste a su s’entourer d’excellent.e.s acteurs et actrices pour interpréter le rôle des parents (Léa Drucker, Kevin Janssens, Marc Weiss). Emilie Dequenne (la mère de Rémi) arrive à trouver la bonne distance dans le rôle de la mère endeuillée qui respecte aussi le vécu de l’ami et ne va pas chercher à comprendre à tout prix.
Équilibrée entre les champs de fleurs où travaille la famille de Léo, l’école, les moments entre les deux garçons et les instants entre Léo et la mère de Rémi, cette quête de sens dans un monde fermé est un bel apprentissage de la vie. Avec Close, Lukas Dhont prouve son talent et sa sensibilité.
Marine Moutot
Broker (Les Bonnes étoiles)
Réalisé par Hirokazu Kore-eda
Avec Song Kang-Ho, Dong-won Gang, Doona Bae
Drame, Corée du Sud, 2022, 2h09
Metropolitan FilmExport
7 décembre 2022
Close
Réalisé par Lukas Dhont
Avec Eden Dambrine, Gustav De Waele, Emilie Dequenne
Drame, Belgique, Pays-Bas, France, 2022, 1h45
Ad Vitam
Prochainement
Men
Réalisé par Alex Garland
Avec Jessie Buckley, Rory Kinnear, Paapa Essiedu
Horreur, drame, Angleterre, 2022, 1h40
Metropolitan FilmExport
8 juin 2022
Showing Up
Réalisé par Kelly Reichardt
Avec Michelle Williams, Hong Chau, Maryann Plunkett
Comédie dramatique, États-Unis, 2022, 1h48
Diaphana Distribution
Prochainement
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