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Antoine et Olga, un couple de Français.e.s, se sont installé.e.s il y a quelque temps dans un petit village isolé de Galice pour y faire pousser des légumes bio et restaurer des maisons abandonnées. Des tensions se sont créées entre les habitants autour d’un projet d’éolienne.
Sélectionné à Cannes Première, cette année, As Bestas est un triller réussi dans un petit village de Galice autour de l’éternel sujet : la rencontre entre deux mondes que tout oppose. Jeune cinéaste espagnol, Rodrigo Sorogoyen sait installer de la tension au sein de ses récits. Dès l’ouverture du film, nous voyons trois hommes immobilisés des chevaux qui vivent en liberté dans les environs. Au ralenti, les corps se mêlent avec puissance. C’est de la violence brute tant du côté des hommes que des animaux.
En suivant ce couple de Français, le réalisateur montre une autre manière de vivre. Paisibles, Antoine et Olga — les excellent.e.s Denis Ménochet et Marina Foïs — vivent de leur maraicher. Dans leur jardin, des panneaux solaires. Lui restaure aussi des maisons abandonnées pour donner au village une nouvelle dynamique. Sorogoyen oppose deux mondes dans un même endroit. Tandis que pour le couple d’anciens citadins voient le petit village niché dans les montagnes comme une sorte de paradis, pour ceux qui y n’ont rien connus d’autre, cet endroit est leur tombeau. Le projet de l’éolienne qui vient mettre à mal ce fragile équilibre n’est qu’un prétexte pour cristalliser les haines et les rancœurs entre deux milieux sociaux différents qui se rencontrent rarement.
Découpé en deux parties, c’est dans la première que le propos est le plus pertinent. La tension monte au fur et à mesure des interactions entre les deux frères espagnols et Antoine. C’est un monde d’hommes. Chacun n’écoutant pas ce que l’autre a à dire. L’argent proposé en échange de l’installation de l’éolienne — qui ne représente pas grand chose — suffit aux frères de s’imaginer dans une grande ville, loin de la nature et des animaux. La haine de l’autre s’immisce entre eux, l’étranger devenant la raison de tous leurs problèmes. Peu à peu, les hommes deviennent les bêtes du titre. Dans la deuxième partie, Olga doit apprendre à se battre et vivre seule. Ce paradis semble devenu hostile. Dans le froid de l’hiver, le calme cache la tristesse et la souffrance. Plus lente, cette partie est essentielle dans ce qu’elle dit d’être une femme dans un monde masculin. Olga parvient à s’imposer et à ne pas se laisser faire, elle ne lâche rien. Elle en devient presque menaçante de ténacité.
Avec puissance, As Bestas parvient à ouvrir notre imaginaire avec ces montagnes et cette tranquillité, mais nous rappelle également que le mal est tapis en chacun.e de nous.
Marine Moutot
As Bestas
Réalisé par Rodrigo Sorogoyen
Avec Marina Foïs, Denis Ménochet, Luis Zahera
Drame, Thriller, Espagne, France, 2022, 2h17
Le Pacte
20 juillet 2022
Un avis sur « [CRITIQUE] As Bestas »