Temps de lecture : 2 minutes
Leila vit avec ses parents et ses frères dans la misère. Alors que le retour d’un de ses frères est l’occasion pour elle de lancer une affaire pour les sortir de la pauvreté, son père apprend qu’il peut devenir le parrain de sa famille — haute distinction dans la tradition persane — en échange d’une somme importante d’argent.
Après un polar dense et impressionnant, La Loi de Téhéran (2019), le cinéaste iranien Saeed Roustaee revient avec une fresque familiale. Présenté en Compétition au Festival de Cannes, Leila et ses frères nous transporte au cœur des tensions de la société iranienne. D’un côté, un des fils qui n’a pas été payé depuis des mois alors qu’il travaille dans une usine où la matière première manque, de l’autre la fille est la seule à gagner de l’argent pour subvenir à sa famille, tandis que le père a une seule obsession : avoir la reconnaissance des siens. Les tensions du pays s’installent peu à peu dans la fratrie. La haine des femmes allant jusqu’à la mère qui n’hésite pas à appeler sa propre fille « connasse ». Avec justesse et violence, Saeed Roustaee montre comment la pauvreté n’est pas qu’une fatalité.
Leila — magnifique Taraneh Alidoosti — est une battante qui ne lâche rien. Elle souhaite plus que tout que sa famille s’en sorte et puisse vivre dignement. Elle est la seule à travailler et à s’occuper de ses parents, alors que ses trois frères sont au chômage ou vivent de boulots précaires. C’est elle qui possède les ressources pour s’en sortir, mais étant une femme, elle ne peut rien faire sans l’aide de ses frères. Son souhait : ouvrir une boutique dans un centre commercial animé. Elle a les connaissances pour acquérir la boutique, elle a étudié le marché, mais elle doit remettre son plan entre les mains des hommes de sa famille. Tandis qu’elle réussit à convaincre ses frères, leur père n’hésite pas à mettre à mal leur plan pour avoir la reconnaissance de sa famille et pouvoir être couronné parrain. Cet homme semble insensible à la douleur des siens et seulement centré sur son désir. Plein d’illusions sur une famille qui l’a toujours rejeté à cause de sa pauvreté, il ne voit même pas qu’il est utilisé. La haine qu’il porte, malgré lui, à ses propres enfants est dure à voir. Et Leila qui se bat, ne baissant jamais la tête, fait d’elle un personnage féminin fort et bafoué dans un monde d’homme.
Leila et ses frères est une chronique familiale puissante qui nous tient en haleine autour de sujets sensibles : la haine des siens et la manière dont la société continue de se moquer des pauvres. Le cinéaste iranien dresse un portrait dur autour des valeurs traditionnelles portées par le père et le désir d’avancer de Leila, acceptant depuis trop longtemps ce que le sort lui réserve.
Marine Moutot
Leila et ses frères
Réalisé par Saeed Roustaee
Avec Taraneh Alidoosti, Navid Mohammadzadeh, Payman Maadi
Drame, Iran, 2022, 2h45
Wild Bunch Distribution
24 août 2022
Un avis sur « [CRITIQUE] Leila et ses frères »