[FESTIVAL LUMIERE 2022] – Lundi 17 et Mardi 18 octobre

Temps de lecture : 6 minutes

Dimanche 23 octobre, s’est achevé le Festival Lumière. Pour prolonger l’aventure, nous vous racontons notre parcours au sein de cette quatorzième année. Entre restaurations, séances évènements, films classiques et cultes, découvertes, avant-premières, masterclass et travail, on vous parle de nos déambulations à travers les salles lyonnaises et les différents lieux de festivités !

Lundi 17 octobre

Ce nouveau jour de festival commence doucement sans aucune course à travers la métropole lyonnaise. Faute d’avoir trouvé des places pour les séances de quelques films qui nous intéressaient – et notamment ceux de Maï Zetterling qui affichent presque tous complets – nous avons décidé de nous offrir une matinée studieuse pour écrire sur nos deux premiers jours de Festival.

Ce n’est qu’en début d’après-midi, vers 13h30 que nous quittons notre nid douillet pour retrouver les salles obscures et après un court trajet en tram, nous débarquons dans l’immense UGC Confluence se trouvant dans le deuxième arrondissement de Lyon, non loin du célèbre musée en forme de nuage. Nous repérons rapidement les bénévoles – tout de rouge vêtu – et pénétrons dans l’une des deux salles réservées pour les diffusions de films du Festival Lumière.
La salle se remplit tout doucement mais ne sera jamais pleine. Le public est plutôt jeune et semble surtout composé de curieux, venu découvrir – tout comme nous – ce film d’horreur italien classé dans la section Trésor et curiosité”. Danse Macabre d’Antonio Margheriti (et Sergio Corbucci qui fut le premier réalisateur nommé pour ce film) sorti en 1964 est effectivement un objet assez curieux, issu de cette période où les coproductions franco-italiennes avaient le vent en poupe. Pour le présenter, nous accueillons, Patricia Barsanti, de la Société Cinématographique Lyre qui s’est occupée de la restauration de l’œuvre. Après un exposé très intéressant sur les rouages de la restauration, Patricia Barsanti nous explique que ce film était terriblement abîmé et que le restaurer pour le rendre visible sur grand écran a nécessité de très nombreuses heures de travail  ; le pari est réussi et la copie proposée au Festival est magnifique. Le film quant à lui, nous laisse un peu plus dubitatif, surtout à cause de quelques longueurs du début.

Tout commence par une rencontre entre un journaliste, Alan Foster, Lord Thomas Blackwood et Edgar Allan Poe (oui, l’écrivain lui-même ! ). Alan prétend ne pas croire au surnaturel alors Lord Blackwood lui lance un défi : passer la nuit dans son château duquel personne ne ressort vivant. Prétentieux et fier, le journaliste accepte le challenge pour une somme dérisoire et finit – bien évidemment – par le regretter. Tous les ingrédients étaient réunis pour que Danse Macabre s’imprime dans les mémoires comme un excellent film d’horreur italien malheureusement, il souffre de la comparaison avec les long-métrages du maître Bava dont Margheriti n’arrive pas à la cheville ici. Tout est très prévisible et les quelques éléments qui pourraient apporter un peu de suspens à l’intrigue sont trop vite balayés par des erreurs scénaristiques ou des choix de réalisation discutable ; on pense notamment à la fin, gâché par des voix venues d’outre-tombe pour réciter un texte beaucoup trop mièvre. Dans ce film, il y a aussi des incohérences et une musique trop souvent trop présente qui vient briser l’atmosphère lugubre de certaines scènes. Pourtant, on ne regrette pas de l’avoir vu. Il y a dans cette œuvre quelques belles images dues, en grande partie, à des décors funèbres qui apportent beaucoup à l’intrigue et à la tension que le réalisateur tente de mettre en place. Barbara Steele (grande actrice des films d’épouvante italiens) apporte également beaucoup par son interprétation, mais elle doit malheureusement faire face à un Georges Rivière très inégal qui peut agacer le spectateur dès les premières scènes.

En soit, Danse Macabre n’est pas réellement un mauvais film. Il n’est pas un grand film non plus. Il est de ces films de série B que les aficionados du genre sauront apprécier malgré ses défauts.
La séance de Danse Macabre terminée, nous sortons de la salle – un peu déçues malgré tout. On attendait mieux de ce “trésor” dégoté par le Festival Lumière. Qu’à cela ne tienne, notre journée n’est pas terminée et après avoir acheté de quoi nous désaltéré, nous retournons dans la même salle pour découvrir Black Moon de Louis Malle.

En effet, cette année, le réalisateur est au centre d’une énorme rétrospective (pas moins de 17 films projetés pendant le Festival), intitulée “Le solitaire du cinéma français”. Nous connaissons les grands classiques de Louis Malle mais nous devons admettre que ses films tournés dans les années 70 restent un mystère pour nous. Alors, nous avons choisi de découvrir cet autre pan de sa carrière que ce fameux Black Moon, sorti en 1975 et tourné dans le département du Lot avec un casting réduit ; quatre personnages et quelques dizaines de figurants. Parmi les acteurs, on retrouve Alexandra Stewart, l’actrice canadienne qui entre justement en salle pour nous parler du film. Selon elle, cette œuvre de Louis Malle n’est que très rarement montrée en salle peut-être à cause de la liberté que s’est offert le réalisateur. Elle nous invite à nous laisser porter par les images comme le souhaitait Louis Malle. Et effectivement, à peine Alexandra Stewart a t-elle quitté la salle sous les applaudissements du public que le film commence avec un texte nous invitant à recevoir ce long-métrage sans faire appel à notre “sens logique” mais plutôt, comme s’il s’agissait d’un rêve. Nous voilà donc avertis et prêtes pour ce voyage cinématographique !

Black Moon commence par une longue fuite de la jeune Lily pour fuir un territoire en proie à une guerre entre hommes et femmes. Très vite, elle atterrit dans une maison où réside une vieille dame (Therese Giehse) qui ne quitte jamais son lit et qui semble communiquer dans une langue étrange avec un rat. Lily y rencontre également un frère (Joe Dallesandro) et une sœur (Alexandra Stewart), tous deux muets et très énigmatiques. De temps à autre, un groupe d’enfants courent nus à travers le jardin. Pourquoi Lily est-elle arrivée ici ? Quel est cet endroit ? Louis Malle ne donne aucune réponse. Les scènes se succèdent dans une sorte de fausse continuité et offrent de temps à autre quelques moments quasi-oniriques. Lily est une version plus “adulte” d’Alice au pays des merveilles. Entre les fleurs qui pleurent lorsqu’on les écrase et une licorne qui parle, la jeune femme apprend bien souvent malgré elle, les difficultés de la vie adulte. Par la métaphore, Louis Malle parle du passage de l’enfance à l’âge adulte, des difficultés à avancer, des premiers émois, de l’envie de retourner en arrière, dans les bras de ses parents, lorsque l’épreuve est trop difficile. Le réalisateur fait également appel à de nombreux mythes comme ceux d’Abel et Caïn, du jugement de Pâris ou de Tristan et Yseult (à travers un air d’opéra de Wagner repris par des enfants durant une scène envoûtante).
Il y a quelque chose de surréaliste dans ce film dans lequel toutes les étapes de la vie se font face. La logique cartésienne n’existe plus dans ce monde, mélange d’enfer et de rêverie, où le mal finit toujours pas atteindre le bien. 

Lorsque la projection se termine, la plupart des spectateur.trice.s restent muets, sans doute étonné.e.s par ce voyage offert par le réalisateur français. Certains tentent de trouver des explications “ Mais c’était un rêve ? On ne l’a pas vu se réveiller ”
Il ne faut pas chercher à comprendre, seulement se laisser porter, comme le souhaitait Louis Malle. Le voyage est particulier, mais marquant. On sort de la salle chamboulée, un peu dubitatives mais néanmoins, ravies de l’expérience.
Notre journée se termine ici. Nous reprenons le tram et rentrons chez nous, l’esprit hanté par le visage de Lily. 

Mardi 18 octobre

Contrairement à la veille, nous arpentons les salles de cinéma dès le matin ! À11h nous sommes installées dans la salle du cinéma Lumière Terreaux pour découvrir le film d’un autre réalisateur mis à l’honneur par le Festival Lumière : André de Toth. Sont proposés à travers la programmation cinq films tournés en 1939, en Hongrie, avant que le réalisateur ne parte pour Hollywood. Par manque de temps, nous avons décidé de nous concentrer sur un seul film de cette période qui s’avère également être le dernier : La Vie du docteur Semmelweis. Avant que le film ne démarre, Joël Chapron – habitué du Festival Lumière – et spécialiste du cinéma des pays de l’Est, vient nous parler un peu plus du réalisateur et du thème du film. Après nous avoir expliqué avec quelle rapidité se déroulaient les tournages en Hongrie à ce moment là (entre 8 et 15 jours !), Joël Chapron nous explique également qu’André de Toth – partit à Londres à cause des chamboulements politiques et des lois anti-juives qui le répugnent – n’a pas participé aux dernières étapes de construction de ce film et ce, malgré le fait que le thème du récit le touche particulièrement.
La Vie du docteur Semmelweis nous plonge dans l’histoire d’un homme peu connu en France, mais très important dans l’histoire de l’hygiène médicale. Présent avant Pasteur, Ignace Semmelweis œuvra comme obstétricien et démontra l’importance du lavage des mains avant tout examen d’un patient. 

Le film d’André de Toth commence au moment où Semmelweis n’est qu’un jeune étudiant, plus intéressé par la fête et les filles que par ses études. D’abord engagé dans le droit, il se détourne subitement – et contre l’avis de ses parents – pour apprendre la médecine, où il excelle rapidement. Le personnage interprété par Tivadar Uray évolue rapidement. Trop rapidement peut-être. En voulant raconter un très grand pan de la vie de cet homme si important, André de Toth produit un film inégal, semblant parfois même un peu bâclé. L’histoire est évidemment très intéressante, comme celle de n’importe quel personnage de l’Histoire de la médecine, mais la réalisation, un peu trop classique, ne rend pas forcément hommage au pionnier que fut Semmelweis. Lorsque l’on voit ce film, on ne peut s’empêcher de le comparer à La vie de Louis Pasteur de William Dieterle (1936) et il faut bien admettre que ce dernier nous paraît beaucoup plus réussi.

Malheureusement, nous ne pourrons pas voir d’autres films d’André de Toth. Impossible donc de nous faire un avis réel sur cette période de création du réalisateur aux origines hongroises. Croisons les doigts pour que ces restaurations retrouvent les salles obscures dans les mois ou les années à venir ! 
En sortant de la salle, nous profitons un peu du centre ville de Lyon et du beau temps. Nous regardons pour la centième fois notre planning et la programmation dans l’espoir de pouvoir se faufiler dans une séance supplémentaire. Mais rien à faire.. Trop de films et trop peu de temps. D’ailleurs, nous devrons nous contenter de la projection d’André de Toth pour aujourd’hui car 14h sonne et nous devons nous rendre au cinéma Lumière Bellecour où notre travail nous attend. 
Nous faisons entrer les gens en salles et une fois de plus, la séance du Festival Lumière fait le plein ! Au programme, Les Filles de Maï Zetterling (1968). Nous rêvassons en regardant entrer les derniers spectateur.trice.s. Si seulement nous pouvions nous glisser dans la salle nous aussi.. 

Mais non, le devoir nous appelle et de toute façon, il n’y a plus un siège de libre. Et au fond, cela nous rend aussi heureux. Le Festival Lumière est sans doute l’un des seuls à être capable de générer autant d’attrait et de curiosité pour une réalisatrice suédoise si peu connue. En quittant le cinéma ce soir-là, nous nous jurons de nous rattraper dès que possible pour découvrir, nous aussi, l’univers de Maï Zetterling. 

À noter que ce mercredi 18, quelques chanceux ont pu découvrir en avant-première le nouveau film de Steven Spielberg, The Fabelmans.

Camille Dubois

Danse Macabre (Danza Macabra)
Réalisé par Antonion Margheriti
Avec Barbara Steele, Georges Rivière, Henry Kruger
Horreur, 1h27, 1964
Ressortie en salles en 2023 par Les Acacias

Black Moon
Réalisé par Louis Malle
Avec Cathryn Harrison, Therese Giehse, Joe Dallesandro, Alexandra Stewart
Drame, Science-fiction 1h41, 1975
Ressortie en salles en 2023 par Malavida

La Vie du docteur Semmelweis (Semmelweis)
Réalisé par André de Toth
Avec Tivadar Uray, Erzsi Simor, Artúr Somlay
Drame, Biopic 1h18, 1939

Publié par Phantasmagory

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