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Dimanche 23 octobre, s’est achevé le Festival Lumière. Pour prolonger l’aventure, nous vous racontons notre parcours au sein de cette quatorzième année. Entre restaurations, séances évènements, films classiques et cultes, découvertes, avant-premières, masterclass et travail, on vous parle de nos déambulations à travers les salles lyonnaises et les différents lieux de festivités !
Mercredi 19 octobre
Pour cette nouvelle journée de Festival, nous sommes matinaux mais nous le savons déjà, le film que nous allons voir ne nous décevra pas. Direction donc l’Institut Lumière et sa magnifique salle joliment nommée le Hangar du Premier film. Bâtie au sein des anciennes usines de la famille Lumière, cette salle est sans doute notre préférée de toute la ville pour le lieu historique dans lequel elle se trouve, mais également pour son confort et sa grandeur. Le parquet de l’entrée grince sous nos pas, les immenses baies vitrées laissent pénétrer quelques rayons de soleil et nous permettent d’observer le village, installé dans le jardin, encore calme à une heure si matinale.
Pas le temps de rêvasser devant cette jolie vue. Un ciné-concert nous attend. Nous rejoignons la salle et prenons place, le sourire aux lèvres, persuadées de passer ces premières heures de la journée dans les meilleures conditions qui soit. Et en effet, nous ne sommes pas déçues ! Fred Escoffier qui a pour habitude d’accompagner les ciné-concerts à l’Institut Lumière prend place derrière le piano et, après une introduction par Gian Luca Farinelli, directeur de la Cinémathèque de Bologne, nous plongeons dans le monde de Buster Keaton avec Les Trois Âges, réalisé par Keaton et Eddie Cline en 1923.
Ce film, perdu pendant des années, est le premier long-métrage produit, réalisé et interprété par Buster Keaton. Ce format inhabituel pour lui, lui permet de raconter une histoire d’amour à trois époques différentes : la préhistoire, la Rome Antique et les Temps modernes. Mais au final, on se rend compte que chaque période pourrait fonctionner seule. C’était en effet le plan B du réalisateur ; En cas de problème lors de la réalisation ou du montage, Keaton avait prévu de créer trois court-métrages tournant autour de l’idée de la naissance d’une histoire d’amour. Mais il n’en eut pas besoin et le long-métrage d’un petit peu plus d’une heure, fut distribué tel que nous le voyons aujourd’hui. Ou presque ! La détérioration des différentes copies nous privera pour toujours, de quelques scènes.
Malgré tout, le film reste plutôt réussi. Il n’est certes pas à la hauteur de l’immense Mécano de la Général (1926) mais l’acteur/réalisateur parvient sans mal, par ses idées et sa gestuelle, à tirer rire et sourire chez les spectateur.trice.s (mention spéciale pour l’excellente scène avec le lion). Il y a une certaine inégalité entre les trois périodes représenter et il est clair que la Rome Antique et les Temps modernes sont plus développés que la Pré-histoire, mais l’ensemble fonctionne bien et par ce choix scénaristique étonnant (une même histoire à trois époques), Keaton parvient à montrer l’évolution de la société et ses moeurs.
L’accompagnement au piano donne évidemment une force toute particulière à l’oeuvre projetée ce matin-là. C’est là la magie des ciné-concerts !

Le film terminé, nous quittons la salle et filons prendre le métro pour rejoindre le centre ville de Lyon. Une fois de plus, nous souhaiterions pouvoir continuer nos découvertes cinématographiques au Festival mais nous devons enfiler notre tenue de projectionniste pour le reste de l’après-midi et de la soirée. Les séances s’enchainent et nous accueillons toujours avec plaisir les festivalier.ère.s qui viennent se presser pour obtenir une place. D’abord, c’est Bratan, le frère, un film venu tout droit du Tadjikistan qui remplit la salle. Nous n’avons pu voir que quelques images mais cela a suffit à piquer notre curiosité et nous l’ajoutons immédiatement dans notre liste des “films à rattraper”. Ensuite, c’est Riposte Féministe, le film de Simon Depardon et de Marie Perennès – présents pour l’occasion – qui remplit la salle du Lumière Terreaux. S’ensuit une projection de Feu Follet de Louis Malle puis, pour clôturer en beauté cette journée, celle de The Big Lebowski qui une fois de plus fait salle comble. Nous nous voyons même obligés de refuser plusieurs personnes. Le réalisateur Philippe Le Guay, venu parler de l’œuvre des frères Coen, prend le temps de discuter cinéma avec nous. L’échange est passionnant mais nous ne pouvons le retenir plus longtemps.
Et soudain, le cinéma devient plus calme. Les dernières séances lancées, il ne nous reste plus qu’à patienter jusqu’à la fin du film. L’envie de passer une tête à l’intérieur pour voir quelques images est immense ! Ce film des frères Coen, nous l’avons déjà vu mais jamais sur grand écran. Tant pis. Ce sera pour une autre fois. Avec cette nouvelle section intitulée “Culte !” le Festival Lumière a tapé dans le mille en réunissant dans une même salle des cinéphiles averti.e.s, des personnes ne côtoyant pas forcément les salles d’arts et d’essais et des spectateur.trice.s curieux.ses, ayant plus ou moins entendu parler de ce fameux “Dude”.
Jeudi 20 octobre
La séance de la veille s’est terminée tard. Trop tard. Épuisées, nous décidons de nous offrir une grasse matinée. Nous acceptons donc de tirer un trait sur notre projection du matin à savoir le Lillian Gish de Jeanne Moreau. Mais ce n’est que partie remise. Nous nous rattraperons pendant le Best-Of du Festival Lumière qui débutera dès le 26 octobre à l’Institut Lumière.
Ce repos nous permet également de préparer sérieusement nos missions du soir. Depuis quelques années déjà le Festival Lumière nous offre la chance de présenter quelques-unes des séances du Festival et ce soir-là, ce sont pas moins de trois films que nous allons devoir introduire aux festivalier.ère.s. Nous passons donc une bonne partie de la journée à travailler puis vers la fin de journée, nous rejoignons l’Institut Lumière pour y retrouver le chauffeur bénévole qui nous conduira jusqu’à Pierre-Bénite, ville située non loin de Lyon. Pour accéder au parking, nous devons passer devant le Hangar du Premier Film où une foule immense s’est amassée en peu de temps. La raison ? L’annonce de l’arrivée de Tim Burton. Alors que Batman (1989) et Batman : le défi (1992) doivent être projetés ce soir-là, on raconte que le lauréat du prix Lumière devrait venir parler lui-même de ses films. Forcément, les curieux.ses et les fans sont venus en nombre dans l’espoir de l’apercevoir ou d’obtenir une photo. De notre côté, nous n’aurons pas la chance de croiser le réalisateur. Nous quittons l’Institut en voiture et en une vingtaine de minutes, nous nous retrouvons devant la Maison du Peuple de Pierre-Bénite qui accueille – entre autres – une salle de cinéma. Nous rencontrons la super équipe de ce cinéma puis filons en salle pour aller présenter aux nombreux spectateurs ayant fait le déplacement ce soir-là, le film ayant été choisi pour rendre hommage au regretté Bertrand Tavernier, Autour de minuit (1986). Le réalisateur français était un grand fan de jazz et sa passion pour cette musique transparaît à travers ce récit qui laisse énormément de place à la musique composée en partie par Herbie Hancock. Autour de minuit est une ode à l’amitié et à la passion. Un film qui vous donne envie d’écouter du Chet Baker pendant des heures.

La présentation terminée, nous devons à nouveau filer. Retour à Lyon et plus précisément à l’UGC Confluence où nous retrouvons le producteur Christophe Rossignon. C’est lui qui doit présenter La Haine, film qu’il a produit. En attendant le début de la séance, nous avons le plaisir de discuter et Christophe Rossignon ne tarit pas d’éloges sur le Festival Lumière et la qualité de sa programmation. Nous ne pouvons qu’acquiescer en vantant au passage, d’autres aspects positifs de la belle ville de Lyon. Mais pas le temps d’aller plus loin, la séance doit démarrer et nous devons présenter le producteur au public. La salle est pleine et tout le monde est ravie de pouvoir découvrir ou re-découvrir ce film français classé dans la catégorie “Culte !” par le festival. Christophe Rossignon partage avec les spectateur.trice.s, les nombreuses difficultés rencontrées pour réaliser ce film. Il évoque les idées, les envies, les doutes du réalisateur Mathieu Kassovitz retenu en Amérique. Le récit est passionnant mais nous sommes pris par le temps. Après une ultime photo du public prise par le producteur et envoyée à Mathieu Kassovitz, nous quittons la salle et notre invité pour rejoindre une autre salle. C’est la course mais heureusement, ce sont les dernières séances de la journée. Nous pénétrons cette fois-ci seules dans une salle presque pleine et nous prenons la parole pour parler un peu de Beetlejuice (1988) que Tim Burton lui-même présentait comme une sorte de parodie du film L’Exorciste (1974). Malgré quelques incohérences, ce film reste une véritable pépite dans la filmographie du réalisateur qui eut l’excellente idée de rajouter à la trame principale quelques scènes musicales venant ajouter comique et légèreté à un univers lugubre. Dans ce film, on retrouve déjà le monde sombre et esthétique du réalisateur et après un nouveau visionnage, on pense même voir dans Beetlejuice, des plans et des créatures que nous verrons plus tard dans L’Etrange Noël de Mr Jack ou Ed Wood. Nous quittons la salle avec un joyeux “It’s showtime”. La salle est plongée dans le noir et cette dernière séance de la journée du Festival Lumière peut enfin commencer.

À noter que ce même jour avait lieu le ciné-concert de l’unique film réalisé par Charles Vanel et restauré par l’Institut Lumière, Dans la nuit.
Certain.e.s festivalier.ère.s ont également eu la chance de pouvoir rencontrer l’actrice Marlène Jobert lors de sa masterclass.
Camille Dubois
Les Trois âges (Three Ages)
Réalisé par Buster Keaton et Eddie Cline
Avec Buster Keaton, Margaret Leahy, Wallace Beery
Comédie, 1h19, 1923
Autour de minuit (‘Round Midnight)
Réalisé par Bertrand Tavernier
Avec Dexter Gordon, François Cluzet, Gabrielle Haker
Comédie, 2h11, 1986
Ressortie en salle le 16 novembre 2022
La Haine
Réalisé par Mathieu Kassovitz
Avec Vincent Cassel, Hubert Koundé, Saïd Taghmaoui
Drame, 1h40, 1995
Beetlejuice
Réalisé par Tim Burton
Avec Michael Keaton, Winona Ryder, Alec Baldwin, Geena Davis
Comédie, Fantastique, 1h32, 1988