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Halim et Mina sont marié.e.s depuis longtemps et tiennent une boutique de caftans. Elle prend les commandes, lui les fabrique. Halim, homosexuel, tente de vivre ses désirs comme il peut dans une société qui le brime, Mina quant à elle lutte contre un cancer. L’arrivée d’un nouvel apprenti va bouleverser leur fragile équilibre.
La cinéaste marocaine, Maryam Touzani, réalise un film doux autour de la transmission d’un savoir ancestral, mais également sur les non-dits et les privations dans une société très conservatrice. Le caftan marocain, brodé à la main avec minutie, est un vêtement très ancien qui serait apparu au XIIIe siècle pendant la dynastie Mérinide. Seules les femmes portent cet habit traditionnel et aujourd’hui de moins en moins de personnes savent les faire. L’idée de cette histoire lui est venue d’un caftan que sa mère portait pour les grandes occasions et qu’elle admirait. Transmis de mère en fille, de génération en génération, cet habit est une création artistique et le maalem, le maître tailleur est un artiste. Avec pureté, la cinéaste montre ses personnages sans les juger et avec beaucoup d’amour. L’émotion traverse ainsi le film, comme elle traverse Halmi (Saleh Bakr), Mina (Lubna Azabal) et Youssef (Ayoub Missioui).
Le Bleu du caftan parle des privations, des règles et des interdits. C’est une thématique qui est chère à la réalisatrice puisque dès ses premiers courts métrages elle expose la situation du Maroc des êtres un peu à part. Dans les scénarios qu’elle travaille également avec Nabil Ayouch, Much Loved (2015), Razzia (2017) – où elle incarne également l’héroïne – et Haut et fort (2021), elle n’hésite pas à donner la parole à celles et ceux que l’on entend jamais. Halim, homosexuel, ne peut pas vivre pleinement ses envies et désirs, il doit se cacher, risquer à chaque fois d’être arrêté, de mourir. Mina ne peut pas aller dans l’espace public à sa guise, elle peut être accusée d’être une prostituée, une femme facile. Posés par touche, des moments sont douloureux et viennent rompre le bonheur quotidien d’un couple atypique, mais réellement amoureux. Halim et Mina se connaissent et se sont accepté.e.s. Il n’y a pas de jugement entre eux, pas de haine. Ensemble, ils ont tout traversé. L’arrivée de Youssef bouleverse cet équilibre dans leur vie, iels doivent apprendre à se reconstruire. Les acteurs, Saleh Bakr et Ayoub Missioui, et l’actrice Lubna Azabal sont remarquables.
Prix Fipresci au Festival de Cannes à Un Certain Regard en 2022, rarement un film aura réussi à parler de choses déchirantes avec sensibilité et pudeur. Le Bleu du caftan est d’une rare beauté, en toute simplicité. Avec justesse et délicatesse, Maryam Touzani continue d’explorer, comme elle l’avait fait avec son film précédent Adam (2019), la condition des femmes et des opprimés dans la société marocaine. Avec beaucoup d’amour pour ses personnages, la sphère intime devient un refuge, un lieu de recueillement et un havre de paix.
Marine Moutot
Le Bleu du caftan
Réalisé par Maryam Touzani
Avec Lubna Azabal, Saleh Bakri, Ayoub Missioui
Drame, Maroc, France, 2022, 2h02
Ad Vitam
22 mars 2023