[CRITIQUE] The Fabelmans

Temps de lecture : 4 minutes

Dans les années 1950, Sammy Fabelmans, passionné de cinéma, grandit entre une mère artiste et un père ingénieur. Très tôt, pour combattre ses peurs et contrôler son monde, il filme ce qui l’entoure. Ses parents, sa famille, mais également des histoires qu’il invente.

Devant un grand cinéma éclairé sur une avenue typiquement américaine, un enfant ne veut pas rentrer à l’intérieur. Il a peur. Pour le rassurer, ses parents lui exposent ce que représentent à leurs yeux le cinéma : sa magie, sa technique, son audace, son inventivité. Cet enfant, c’est Steven Spielberg qui emprunte tant la vision de sa mère que de son père pour faire de son cinéma, un cinéma grand public, à la fois touchant et profond. Avec The Fabelmans, il montre une famille juive, que la communauté rejette, mais dont la passion déborde. Avec The Fabelmans, le réalisateur nous donne sa vision toute personnelle du cinéma et de son amour inconditionnel pour cet art. 

Directement inspiré de ses souvenirs, Spielberg nous livre une grande leçon de cinéma. Ludique, le récit arpente les premiers essais du jeune Sammy (Gabriel LaBelle, excellent) : comment rendre un duel plus convaincant ? Comment recréer une collision entre une voiture et un train ? Comment trouver une histoire vibrante d’émotions ? Le talent du garçon tient avant tout de son cinéaste qui dès le début de sa carrière a toujours tenté de repousser les limites du cinéma, créant de nouvelles formes, inventant de nouvelles tensions.
Dès Duel (1971) – téléfilm qui est sorti au cinéma dû à sa qualité – en passant par Les Dents de la mer (1975), Rencontres du troisième type (1975) ou encore E.T (1981), la saga Indiana Jones, Minority Report (2001), jusqu’à Ready Player One (2018), Steven Spielberg a souvent fait voyager ses spectateur.trice.s dans un univers enchanteur. Souvent réduit à son côté divertissant et à la rentabilité de ses œuvres (tant films qu’il a réalisé ou qu’il a produit via ses deux sociétés de productions : Amblin Entertainment et DreamWorks Pictures), nous en oublions souvent sa patte et ses obsessions. Pourtant outre ses images en surbrillance, baignées de blanc, le cinéaste retrouve régulièrement des thèmes qui lui tiennent à cœur : les relations enfant/parent – plus particulièrement père/fils -, des sujets qui ont marqué l’histoire des États-Unis – l’esclavage, les dérives sécuritaires américaines, le racisme, la guerre -… Ses scénarios sont, d’ailleurs, plus profonds et intimes et prônent un discours pacifique. 
Dans The Fabelmans, il ne parle pas seulement de son amour pour le cinéma, mais donne une belle part à ses parents et à leur rupture. Michelle Williams (Mitzi) et Paul Dano (Burt) qui les incarnent sont parfaits. Mitzi possède parmi les plus belles scènes du film : alors que toute la famille fait du camping avec Bennie (Seth Rogen, très touchant), oncle et meilleur ami de Burt, elle se met à danser devant les phares de la voiture dans la nuit. Simplement en robe de nuit blanche, elle oublie le monde qui l’entoure, rêvant sans doute d’une autre vie, loin des conventions de sa situation de femme. Elle tourne, elle virevolte sous le regard de ses proches, à la fois apeurés et émerveillés. Mitzi est toujours celle qui insiste pour que son fils reste fidèle à lui-même et suive son cœur. Qu’il n’oublie jamais de rêver. Le long-métrage est ainsi emprunt de cette nostalgie si belle, d’une enfance pleine de fantasmes, mais également de chimère, le bonheur étant une chose pleine d’illusions. 

Pour réaliser ce chef-d’œuvre, Steven Spielberg s’entoure à nouveau de ses fidèles collaborateurs. Star Wars, Harry Potter… on ne cite plus le compositeur John Williams, que le cinéaste retrouve pour la vingt-neuvième fois. La musique a d’ailleurs une grande importance ici, et en particulier le piano qui irradie la musique principale du film. En effet, Mitzi en joue énormément et aurait pu être une grande pianiste si elle n’avait pas sacrifié sa carrière pour s’occuper de sa famille, comme le faisaient beaucoup de femmes dans les années 1950. Spielberg le dénonce d’ailleurs dans la relation entre ses parents, où les moments de folie de Mitzi semblent des passages obligés pour connaître ensuite la paix. Pleine de douleur, cette femme aime pourtant profondément sa famille pour lequel elle se dévoue (presque) entièrement – elle ne sacrifie pas totalement sa vie et décide à la fin d’écouter son cœur. Pour le scénario, il collabore pour la quatrième fois avec Tony Kushner, dramaturge et scénariste, avec qui il avait déjà travaillé en 2005 sur Munich, puis sur Lincoln et West Side Story. Spielberg avait voulu réaliser ce dernier film pour rendre hommage à son père, qui aimait profondément cette comédie musicale. À la photographie, Janusz Kamiński, avec qui le réalisateur travaille depuis La Liste de Schindler en 1993, livre une nouvelle fois une image magnifique, pleine de magie. Au montage, c’est Sarah Broshar qui revient. Il a travaillé avec elle sur ses films depuis Pentagone Papers (2017). 
The Fabelmans remporte le prix du meilleur film dramatique, ainsi que celui du meilleur réalisateur aux derniers Golden Globes. Espérons qu’il remporte également de nombreux trophées aux Oscars où il est nommé dans sept catégories dont meilleur film, meilleur réalisateur, meilleure actrice et meilleure musique. 

Steven Spielberg livre un de ses récits les plus personnels, tout en réussissant à le rendre universel. Dès les premiers instants on se sent happé.e dans un monde merveilleux. On apprend, rêve et grandit une nouvelle fois grâce au cinéma. Dès que The Fabelmans s’est fini, on souhaite replonger dedans, indéfiniment. Le film est une leçon de cinéma, du début jusqu’au dernier plan, magnifique.

Marine Moutot
Mon top 10 des films de Steven Spielberg : 

The Fabelmans, 2023
Ready Player One, 2018
Minority Report, 2002
Empire du soleil, 1987
Munich, 2005
Les Aventuriers de l’Arche perdue, 1981
La Guerre des mondes, 2005
Pentagon Papers, 2017
Rencontres du troisième type, 1977
E.T., l’extra-terrestre, 1982
A.I. Intelligence artificielle, 2001


The Fabelmans
Réalisé par Steven Spielberg
Avec Gabriel LaBelle, Michelle Williams, Paul Dano
Drame, États-Unis, 2022, 2h31
Universal
22 février 2023

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

5 commentaires sur « [CRITIQUE] The Fabelmans »

  1. Une leçon de cinéma, c’est vrai, mais comme toujours chez Spielberg, ce n’est jamais didactique ou hautement prétentieux. Il touche comme toujours à la sincérité des choses, sa mise en scène s’en remet à l’intelligence du spectateur, et elle nous prend par les sentiments. Je trouve que c’est un des plus beaux hommages au cinéma qu’on ait tourné, celui d’un cinéaste qui de « Jaws » à « West Side Story » (et non pas Wild 😉) n’aura eu de cesse de nous éblouir avec son grand train électrique.

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