[CONSEILS DU VENDREDI] #51

Cette semaine au programme des Conseils : Midsommar,  Voyage à Tokyo et Les faussaires de Manhattan.


Midsommar : Après un drame familial, Dani se rend en voyage en Suède avec son petit ami, Christian. Accompagnés par des amis du jeune homme, le groupe se rend dans une petite communauté isolée afin d’assister à un festival en l’honneur du solstice d’été. Rapidement, les célébrations prennent une tournure étrange.
Un an après Hérédité –son premier essai qui lui avait valu les louanges de la critique – Ari Aster est de retour avec un nouvel opus. Appartenant à une nouvelle vague émergente du cinéma d’horreur aux côtés de cinéastes comme Robert Eggers (The Witch) ou Jennifer Kent (Mister Babadook), Aster fait naître le frisson à l’aide d’une mise en scène particulièrement soignée et d’une fibre narrative qui flirte de près avec le thriller. Malgré son postulat qui semble sur le papier faire écho aux meilleurs slasher du genre (« une bande de jeunes archétypes se rend dans un camp de vacances isolé… ») et sans trop pouvoir trop en dire, Midsommar dément dès ses premières minutes toute ressemblance pour s’affirmer comme un vrai drame qui repose en grande partie sur la psychologie de ses personnages.
En effet ici nulle question de jump scare ou de monstres fantastiques ;  à la manière du personnage de Toni Colette dans Hérédité dont les deuils successifs l’entrainaient peu à peu vers la folie, c’est une nouvelle fois les traumas et les insécurités de Dani qui viendront servir de fil conducteur à l’intrigue. Construit comme un cauchemar hypnotique rêvé en plein soleil, Midsommar prend à rebrousse poil son spectateur en le confrontant à une atmosphère chaleureuse aux antipodes des carcans du genre. C’est là toute l’habilité du film qui joue de ce climat mystique envoûtant mais également fortement inquiétant pour mieux venir surprendre son audience et livrer quelques scènes absolument glaçantes.
Toutefois, si le film s’éloigne du climat sinistre reproduit par exemple par son ainé il rejoint néanmoins Hérédité en accumulant les mêmes erreurs de rythme. On pourra ainsi regretter qu’après une excellente première moitié le réalisateur s’enlise dans sa propre mythologie. Parfois noyé dans un excès de symbolisme, Midsommar aurait sans doute mérité d’être raccourci de trois bons quarts d’heure. Néanmoins, on aurait tord de trop obscurcir le tableau : déjà parce que trois ans après son excellente performance dans The Young Lady,  le film devrait servir de nouveau tremplin à Florence Pugh qui brille ici dans le rôle de Dani ; mais également parce que ce même rythme confère à Midsommar une fibre contemplative plutôt inattendue et pas désagréable quand elle ne vient pas nuire à l’efficacité du récit. En définitive, si le nouvel opus d’Ari Aster aurait donc  sans doute gagné à être un peu moins bavard, il vaudra cependant  le coup d’œil si jamais le cœur vous en dit. M.P

Voyage à Tokyo : Les plus grands films d’Ozu ressortent cette semaine en version restaurée. Un voyage dans un Japon en pleine mutation où la génération d’avant-guerre se confronte à celle d’après-guerre. Dans ce courant cinématographique des pays industrialisés, le cinéaste explore les mœurs de la société à travers le cercle de la famille. Venu de la région d’Hiroshima, un couple rend visite à ses enfants à Tokyo. D’abord reçu selon les coutumes, la présence des parents commence à peser et seule la femme de leur fils défunt leur accorde de l’attention.
Les enfants ont une vie familiale, professionnelle et n’ont pas l’intention de bouleverser leurs existences malgré la visite de leurs parents. Une manière peut être de ne pas se confronter à la vieillesse, La création d’une bulle individualiste marque la fin d’une ère où les familles vivaient sous le même toit au fil des générations. La belle-fille Noriko (joué par Setsuko Hara l’actrice fétiche du réalisateur) le dira si bien à la cadette de la fratrie. La fracture est inévitable, chaque être se construit selon ses propres envies, qui deviendront des obligations, quitte à négliger ses pairs. Une histoire cinglante mais dans l’ère du temps. Le cinéaste a su pointer avec sa caméra ces nouveaux impératifs. Ils s’est installé dans les maisons, au plus proche de ses personnages. Nul désire de complicité avec le spectateur, les échanges informels s’enchainent, mais l’actualité de leur contenu n’en fait pas un prétexte à l’émotion. L’interprétation retenue dans la tradition d’un certain cinéma japonais et les instants de vie dans ce bouillonnement tokyoïte peinent à nous toucher. Il faudra dès lors s’intéresser aux non dits, sujet principal de ce drame : le deuil, la maladie, la mort, la volonté et finalement la difficulté de transmission d’un héritage. Voyage à Tokyo cultive la singularité de la mise en scène des films de son réalisateurs. Des plans fixes, au plus près de ses acteurs et dans un décor intimiste, il s’agit d’étudier dans leur environnement des figures en pleine évolution. Une parenthèse empreinte de douceur sur la société japonaise de l’après guerre qui se révèle cruellement juste. C.L.L.

Les faussaires de Manhattan : Lee Israel a connu son heure de gloire en écrivant les biographies de célébrités notoires, mais à force de si bien s’effacer pour mettre ses sujets en lumière, le public s’est désintéressé de ses livres. N’ayant pas le courage d’écrire sa propre histoire, et sa situation financière devenant plus que critique, elle trouve une idée aussi originale qu’illégale pour se sortir d’affaire : écrire de fausses lettres des auteurs qu’elle admire tant afin de les revendre à prix d’or à des collectionneurs. Elle recycle ainsi son incroyable don pour capter la personnalité des écrivains en imitant à la perfection leur style et leur pensée dans des lettres qui font l’illusion, un temps du moins.
Accompagnée dans cette folle aventure par Jack, son acolyte de comptoir aux milles facéties, Lee se prend à ce jeu de rôles improvisé et semble presque redevenir elle-même. Malgré un alcoolisme latent, elle essaie de survivre tant bien que mal et de remettre un peu d’ordre dans sa vie. Brillante et pleine de ressources, son humour décapant semble malheureusement mieux lui réussir sur le papier que dans la vraie vie, surtout lorsque le FBI s’en mêle.
Dans ce long métrage, Marielle Heller nous surprend avec ingéniosité et désinvolture à la fois. Melissa McCarthy et Richard E. Grant forment un merveilleux duo que l’on suivrait volontiers n’importe où, même jusque dans le crime. L’intrigue, basée sur un fait réel, nous émeut autant qu’elle nous fait rire. A ceux qui aiment la littérature, les vieux livres et les trésors qui s’y cachent parfois, ce film trouvera son public. Pour les autres, la performance des acteurs et la bande son qui nous fait voyager du jazz des années 60 en passant par le blues de Chet Baker et le rock des années 90, suffiront sans aucun doute à donner à ce film tout le charme qu’il mérite. A.E

Marine Pallec, Clémence Letort-Lipszyc et Amandine Eliès

Midsommar
Réalisé par Ari Aster
Avec Florence Pugh, Jack Reynor, Will Poulter
Thriller/Horreur, États-Unis, 2h20
31 juillet 2019

Voyage à Tokyo
Réalisé par Yasujirô Ozu
Avec Chishu Ryu, Chieko Higashiyama, Setsuko Hara
Drame, Japon, 2h16
1978 – ressortie en version restaurée le 31 juillet 2019

Les Faussaires de Manhattan
Réalisé par Marielle Heller
Avec Melissa McCarthy, Robert E. Grant, Dolly Wells
Comédie dramatique, Biopic, Etats-Unis, 1h47
31 juillet 2019
Condor Distribution

Publié par Phantasmagory

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