[CRITIQUE] Jungle Cruise

Temps de lecture : 5 minutes.

Lily Houghton est une docteure en botanique qui a soif d’aventures mais qui a aussi pour but de changer la médecine pour toujours. Elle décide donc de quitter Londres avec son frère pour l’Amazonie. Après des années de recherches, elle pense enfin avoir trouvé la localisation d’un arbre magique dont les fleurs peuvent guérir tous les maux. Pour l’aider dans sa quête, elle engage Frank Wolff, un skipper un peu rustre qui connaît le fleuve comme sa poche. Diamétralement opposés, tout ce petit monde va devoir surmonter bien des obstacles comme des malédictions, des animaux sauvages, un fleuve pas très coopératif  afin d’arriver au bout de l’aventure !

 

Une croisière divertissante mais trop familière

La prouesse des studios réside dans le fait que le récit est basé sur la trame d’une attraction éponyme des parcs Disney de Floride, Hong-Kong et Tokyo et, qu’en deux heures de temps, le public a sincèrement l’impression d’être monté dans ce manège à sensations. Ce n’est pas la première fois que ce procédé est utilisé : on peut penser à Haunted Mansion avec Le Manoir Hanté ou The Twilight Zone Tower of Terror avec le téléfilm Le Fantôme d’Halloween. Évidemment, il est impossible de passer à côté d’une des plus grandes sagas d’aventures des années 2000, directement inspirée par une attraction : Pirates des Caraïbes (Gore Verbinski, 2003). On retrouve par ailleurs beaucoup de similitudes entre les films portés par Johnny Depp et Jungle Cruise. Certains personnages ressemblent même étrangement aux flibustiers maudits du deuxième opus de la saga. Encore plus flagrant, l’intrigue des « méchants » de Jungle Cruise est exactement identique à celle de l’équipage du Capitaine Salazar dans Pirates des Caraïbes : La Vengeance de Salazar (Joachim Rønning, Espen Sandberg, 2017).
En réalité, il est même aisé de déclarer que le film est un melting pot des épopées les plus célèbres du 7e Art. Par les décors et l’ambiance du film, Indiana Jones est sûrement la première inspiration qui nous vient à l’esprit. Lors de la présentation du personnage d’Emily Blunt au grand public en 2019, elle a même été décrite comme étant une Indiana Jones au féminin.
Quant aux relations qu’entretiennent les personnages entre eux, elles semblent aussi usuelles car elles sont basées sur un principe classique qui est que “les opposés s’attirent”. Lily et Frank (Dwayne Johnson) doivent faire équipe afin de mener à bien leur mission. Une jeune femme intelligente plus qu’intrépide et un Monsieur Muscles qui a finalement un cœur tendre est le début de tout synopsis qui se respecte à Hollywood. Ce duo fait alors écho à beaucoup d’autres couples de cinéma comme Harrison Ford et Karen Allen dans Indiana Jones : Les Aventuriers de l’Arche Perdue (1981) ; Humphrey Bogart et Katharine Hepburn dans L’Odyssée de l’African Queen (1951) ; Nicole Kidman et Hugh Jackman (Australia, 2008) et même Nick et Judy dans Zootopie (2016). Cela va sans dire que leur relation prend un tournant quelque peu prévisible – encore une fois.

  

La vie n’est pas un long fleuve tranquille

Au cœur d’un scénario attendu, nous pouvons aussi trouver des sujets de société sérieux – évoqués à la manière de Disney – mais saluons quand même l’effort d’inclure des problématiques qui sont encore trop peu présentes de nos jours. L’histoire se déroule au début du XXe siècle en pleine Première Guerre mondiale et pourtant trois thèmes semblent toujours d’actualité. Premièrement, nous avons le traitement de la condition féminine. Lily, scientifique émérite, n’est pas reconnue par ses pairs. Ceci n’est pas directement montré à l’écran mais, lorsque son frère s’exprime à sa place dans les hémicycles remplis d’académiciens, cela donne le ton. Lily n’évoque jamais ce sujet dans le film. On lui fait également des remarques sur sa tenue car elle porte fièrement un pantalon – ce qui est déplacé pour l’époque. Cependant, les rares fois où elle répond aux remarques sur son genre, ce n’est pas pour dénoncer l’oppression de la parole des femmes dans le monde des Sciences mais pour justifier ses choix vestimentaires… Le même schéma est appliqué au personnage de Jack Whitehall. Même si McGregor, le frère de Lily, avoue son homosexualité en insistant sur le fait que sa sexualité l’ait complètement exclu de la société et de sa famille, sa représentation reste grotesque et dégradante. Elle est très proche de la manière dont les personnages homosexuels sont encore décrits dans le paysage cinématographique hollywoodien. Il est peureux, arrogant, bégueule et ne supporte pas l’idée de dîner autrement qu’en portant un smoking et des mocassins même sur un rafiot. Enfin, un sujet abordé dans le film, mais d’une manière plus furtive et subtile, est le droit de mourir. Lorsque la question se pose, un personnage exprime son choix délibéré de mourir et il s’agit d’une idée mûrement réfléchie, n’embrassant pas le cliché d’une scène d’action où un personnage décide de se sacrifier pour la cause. Nous sentons ici la volonté des studios d’intégrer de plus en plus des problématiques importantes qui ancrent le récit dans une réalité familière. Espérons que cela ne soit qu’un début.

 

Un équipage aguerri

Déjà familier avec les Studios Disney, le duo formé par Emily Blunt (Le Retour de Mary Poppins, Rob Marshall, 2018) et Dwayne Johnson (Maxi Papa, Andy Fickman, 2007 ; Vaiana : La Légende du bout du monde, Ron Clements et John Musker, 2016) tient ses promesses en termes de jeu d’acteurs (mais peut-être un peu moins sur le plan de l’alchimie). Emily Blunt est incroyablement fraîche et pétillante dans son rôle d’exploratrice téméraire qui se heurte parfois à des obstacles qui montrent sa vulnérabilité. Dwayne Johnson, quant à lui, ne semble pas camper un rôle différent de ce qu’il a l’habitude de faire en tant que grand habitué des films d’aventure comme dernièrement dans la saga Jumanji  (Jake Kasdan, 2017, 2019).
A la barre, on retrouve le réalisateur espagnol, Jaume Collet-Serra qui a signé quelques films d’action comme Sans identité (2011) ou Non-Stop (2014). Jungle Cruise ne compte pas moins de trois scénaristes (Michael Green, Glenn Ficarra et John Requa). Pour un récit sans grande originalité narrative, cela semble beaucoup ! Là où le film marque des points c’est dans les décors et la musique originale. Les effets spéciaux sont époustouflants (le film est d’ailleurs proposé en 4DX et IMAX 3D dans les salles équipées) et quelques scènes ont été tournées en prises de vues réelles ce qui offre une authenticité plaisante. Quant à la musique, elle est composée par le grand musicien James Newton Howard nommé près d’une dizaine de fois aux Oscars et qui a signé la musique des sagas The Dark Knight de Christopher Nolan, The Hunger Games de Francis Lawrence, Les Animaux Fantastiques (David Yates) et même Pretty Woman de Garry Marshall. 

Jungle Cruise, comédie d’aventure, ne réinvente rien mais propose un divertissement sympathique avec quelques bonnes surprises… Un peu comme les montagnes russes !

 

Déborah Mattana

Jungle Cruise
Comédie d’aventure de. Jaume Collet-Serra
Avec Dwayne Johnson, Emily Blunt, Jack Whitehall, Jesse Plemons
États-Unis, 2021, 2h07
Actuellement en salles et sur Disney+ Premium

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

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