[CRITIQUE] Kajillionaire

Temps de lecture : 2 minutes

Old Dolio vit avec ses parents, Theresa et Robert, entre arnaques et petits délits. Un jour, alors qu’ils sont sur un gros coup, Melanie les rejoint au pied levé. Pour Old Dolio, c’est la fin d’une époque et le début des interrogations.

Avec ce troisième long-métrage — en 15 ans —, la cinéaste et plasticienne américaine Miranda July frappe un grand coup. Autant le dire d’entrée de jeu, Kajillionaire est notre coup de cœur de la rentrée  — et à raison : il a gagné le Prix du Public à l’Étrange Festival cette année. Directement inspiré du slapstick à la Buster Keaton, Kajillionaire est un burlesque contemporain à l’image de ceux du duo belge Abel/Gordon. Postures abracadabrantes, comique de situation et scénario original et inventif sont au rendez-vous. Il est tout bonnement hilarant, bizarre, absurde, farfelu et tant d’autres adjectifs fantasques. Lumineuse et solaire, la photographie ne nous trompe pourtant pas. Sous des dehors humoristiques, Kajillionaire est un révélateur de questionnements sérieux et d’actualité allant de la dénonciation de la surconsommation à l’abandon des personnes âgées — avec une scène déchirante au constat mordant où un vieil homme demande à O.D de continuer à faire du bruit pour qu’il n’ait pas l’impression de mourir seul (alors qu’ils sont en train de le cambrioler). Mais le thème central du film est la parentalité toxique. Les parents d’Old Dolio — baptisée en hommage à un SDF ayant gagné au loto — sont des affreux, des vrais, qui pourraient totalement sortir d’un livre de Roald Dahl. Depuis son plus jeune âge, O.D. est élevée sans affection, coupée du monde et formée à devenir à la fois faussaire et voleuse. Instrumentalisée, la jeune femme grandit dans un système de croyances étrange dans lequel elle dépend totalement de ses parents alors qu’elle est leur moyen de subsistance. À croire qu’il s’agit d’une expérience scientifique. La jeune femme grandit, incapable d’être touchée et traumatisée par le rejet maternel, masquée par une chevelure abondante. Evan Rachel Wood excelle dans ce rôle. Dans une scène essentielle, ses parents et elle jouent à la famille parfaite. Pendant un instant, le visage d’O.D se détend et elle est heureuse. Ce moment pourrait durer toute sa vie, elle a trouvé le bonheur : le semblant d’amour et d’ordinaire qu’ils lui ont toujours refusé.  

L’arrivée de Melanie, rencontrée lors d’une énième arnaque, bouleverse le quotidien du trio et met en avant la tristesse de ce quotidien de manipulation. Melanie est l’exacte opposée d’Old Dolio, incarnée avec fraîcheur et humour par Gina Rodriguez (Jane the Virgin) : une mère possessive et intrusive, une beauté sensuelle qu’elle assume avec des cheveux ondulés ébène et de petites tenues moulantes — ce qui lui vaut un « porte plus de vêtements, tu mets tout le monde mal à l’aise » d’O.D. Tout d’abord rivales — Melanie devient une fille de substitution pour les parents d’O.D. —, un érotisme singulier s’installe rapidement entre les deux femmes et une scène géniale de décollage de faux-ongles intensifie leur relation — tout concorde pour illustrer une parodie de scène de coup de foudre. L’émotion et la tendresse de Melanie pour O.D. sont extrêmement flagrantes et touchantes. L’ensemble du film s’amuse de détails cocasses, à la fois absurdes et attendrissants : une danse sur une musique d’attente d’un service après-vente, une mousse rose dégoulinant du plafond à heure fixe, dix-huit ans de cadeaux d’anniversaire ou encore une séquence dans les toilettes où O.D et Melanie se pensent mortes. Le tout sur fond de voûte céleste avec un dialogue extrêmement drôle. 

Kajillionaire est un film astucieux, visuel, poétique et plein de sens qui nous surprend en permanence.

Manon Koken et Marine Moutot

  • Kajillionaire
  • Réalisé par Miranda July
  • Avec Evan Rachel Wood, Debra Winger, Gina Rodriguez
  • Comédie, États-Unis, 1h44
  • 30 septembre 2020
  • Apollo Films

Publié par Phantasmagory

Cinéma - Série - VR

2 commentaires sur « [CRITIQUE] Kajillionaire »

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