Temps de lecture : 4 minutes.
Du 12 au 21 mars s’est tenu le Cinéma du réel, fenêtre majeure sur l’actualité du documentaire en France et dans le monde. Cette année, face à la crise sanitaire, le festival s’est tourné vers les plateformes, ou plutôt une plateforme, en rendant sa programmation accessible à tous via CANALRÉEL. Une édition exceptionnelle qui a demandé réflexion et inventivité aux équipes comme l’explique la déléguée générale du festival, Catherine Bizern, évoquant la pandémie comme “une rampe d’accélération pour les plates-formes et toutes les initiatives de mise en ligne de films.” Dans le cadre du festival ont eu lieu plusieurs matinales ParisDOC afin de discuter des enjeux de l’actualité cinématographique et du documentaire.
La seconde matinale, intitulée “Retour à la salle”, fut le lieu d’échanges particulièrement intéressants que vous pouvez retrouver par ici. Organisée en partenariat avec l’association Documentaire sur grand écran, organisatrice du festival Best of Doc qui s’est tenu en ligne début mars, et l’ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion), elle rassemblait Bertrand Roger, programmateur des cinémas Mk2, Clément Schneider, cinéaste et co-président de l’ACID, Bénédicte Thomas, distributrice Arizona Distribution, Mathieu Berthon, distributeur à Météore Films, Arlène Groffe, programmatrice du Ciné 104 à Pantin et membre du CA de Documentaire du grand écran, ainsi que Pierre-Emmanuel Le Goff, fondateur de La 25ème Heure. Salles de cinéma, associations, plateformes et distributeur.rice.s avaient ainsi la parole pour réfléchir ensemble à cette actualité si sombre et perturbée du secteur culturel et de la salle de cinéma.
Évoquant l’accroissement du développement des plateformes de ces derniers mois et la fausse réouverture du 15 décembre, particulièrement douloureuse pour le secteur et les spectateur.rice.s, tout le monde s’accordait sur ce manque malgré la grande disponibilité de titres en VOD, SVOD et festivals en ligne. Car la salle est un lieu d’émotion esthétique et de partage que l’écran-maison ne peut reproduire complètement.
La première fermeture des salles a engendré un “état de changement”. En somme, beaucoup d’agitation, de perte de temps et d’énergie pour un résultat minime face à l’impuissance des acteur.rice.s culturel.le.s sur la situation. Mais ce premier confinement a pourtant également permis de prouver l’inventivité et les ressources de ces mêmes personnes. Sur les réseaux, les propositions artistiques se multipliaient à l’initiative d’individus, d’entreprises et de collectivités. À l’inverse, le second confinement a sonné le glas d’un repli sur soi contrastant avec l’agitation des premiers mois d’enfermement et soulignant l’économie très fragile sur laquelle repose le secteur en ces temps de crise.
Bénédicte Thomas, distributrice chez Arizona Films, évoquait d’ailleurs en détails leurs questionnements quant à la sortie d’Eva en août cet été. Fallait-il profiter de cette fenêtre de visibilité estivale pour présenter le film ? Ou attendre la rentrée au risque d’une fermeture des salles de cinéma ? Bien leur en a pris ! En sortant le 5 août, Eva en août a pu profiter des spectateur.rice.s motivé.e.s et obtenir ainsi une belle reconnaissance malgré le climat compliqué. Par ailleurs, Bénédicte Thomas est revenu sur la difficulté à maintenir le lien avec les collègues, d’une part, mais surtout avec le public, cantonné à la maison malgré son désir de cinéma, alors que les salles ne pouvaient rouvrir leurs portes pour de longs mois.
Aujourd’hui, toujours dans l’incertitude des temps à venir, l’inventivité est là, mais son expression est difficile. Il s’agit alors de réinventer le métier, comme l’a fait la salle virtuelle de La 25ème Heure, représentée par son fondateur Pierre-Emmanuel Le Goff, en accueillant séances spéciales, avant-premières et festivals en ses lieux dématérialisés. La situation sanitaire a permis aux équipes de développer la plateforme tout en réfléchissant son utilité en direct, passant d’une proposition sur tout le territoire à l’affiliation d’une séance à une salle. Mais qu’en sera-t-il quand, finalement, les cinémas rouvriront ? Comme le disait le réalisateur Clément Schneider, le fétichisme de la salle est présent (et à raison) car “ce qui se joue hors du grand écran, ce n’est pas du cinéma, c’est autre chose.” Et la crainte est présente quant aux films difficiles à placer, “films de la diversité”, malgré leur qualité. Y auront-ils leur place ? Ainsi qu’en salles ? De plus, appuyés par certains collègues, il exprimait un certain scepticisme sur la sortie de films originaux sur la plateforme car, pour lui, l’outil reste limité.
Quelques remarques étaient également faites quant à l’absence des blockbusters cet été ayant permis une plus grande visibilité au cinéma d’auteur (et expliquant également que les grands groupes aient perdu plus de public que les salles indépendantes). Des films comme Adieu les cons (Albert Dupontel), Antoinette dans les Cévennes (Caroline Vignal) ou Effacer l’historique (Gustave Kervern, Benoît Delépine) ont eu un nombre de copies conséquent et ainsi une place importante sur le territoire français, permettant leur succès. Certains évoquaient également le climat difficile comme un moment d’observation du développement de pratiques peu éthiques, certains cinémas se permettant de placer un seul et même film dans toutes leurs salles, à un grand nombre d’horaires, rejetant ainsi des “films de la diversité” à une absence de visibilité. La crainte que ces comportements se développent à l’avenir semble être une réalité criante pour certains intervenants.
Cet échange fructueux a ainsi permis, en rassemblant un certain panel de métiers du cinéma et surtout de la diffusion, d’avoir une vision un peu plus large de la situation, aujourd’hui, pour le cinéma et les salles.
Merci pour ce retour ! Un point intéressant soulevé ici est l’importance de la salle dans le paysage cinématographique, en dépit de la pléthore d’offres alternatives. Je l’ai déjà dit dans certaines de mes propres chroniques, personnellement je ne voue pas un fanatisme à la salle et je pense que le cinéma peut tout à fait être vécu de façons différentes, via Netflix et autres plateformes ; malgré tout, et ça a été exacerbé à cause des confinements, j’estime nécessaire que les deux formats cohabitent. Le fait de ne pas pouvoir me déplacer dans un cinéma me démotive de regarder des films tout court, quand bien même j’ai accès à un certain nombre de plateformes, parce que cette partie de l’expérience me manque…
Sinon, j’ai suivi un peu aussi Cinéma du Réel ; la table ronde sur les projets de restauration de classiques documentaires était tout à fait passionnante, et j’ai pu assister en dernier jour du festival à une projection virtuelle évènement du monument « As I Was Moving Ahead Occasionally I Saw Brief Glimpses of Beauty » de Jonas Mekas, une superbe découverte 😀
J’aimeAimé par 1 personne
Merci pour ce commentaire :).
Je suis totalement d’accord quant au manque de la salle, d’autant plus en temps de festival où le lieu, le grand écran (et la projection) et également les échanges avec d’autres spectateur.rice.s se fait vraiment (vraiment) sentir.
Et je note pour la table ronde sur la restauration. Je vais tenter de la rattraper en replay.
Vivement le retour en salles !
J’aimeAimé par 1 personne